Carlos |
« Les armes sont une extension de mon corps » Ce n’est pas à une mince histoire – dans tous les sens du terme – qu’Olivier Assayas vient se frotter en mettant en film le Vénézuélien Ilich (frère de Lénine et Vladimir !) Ramirez Sanchez, alias Carlos, et ses vies multiples. Via la star du terrorisme, puis le mercenaire sanguinaire et opportuniste et enfin l’alcoolo marxiste, c’est à un voyage géopolitique passionnant – parce que cette tranche de vingt ans de vie nous est contemporaine – et complexe – parce que la « carrière » du personnage explose toutes les normes – qu’un réalisateur particulièrement doué convie son public à un thriller de plus de cinq heures sans le moindre temps mort (sans jeu de mots…). À un récit captivant mis en scène avec une maîtrise remarquable. La quête d’identité du personnage et de ses contradictions, l’articulation de ses multiples identités, les zones d’ombre persistantes de l’Histoire, bref ce sac de nœuds qu’il reste encore à défaire complètement au titre du fait historique ne pouvait être pour Assayas et Dan Franck qu’un défi qu’ils relèvent avec maestria.
|
1973-1994, trois époques : avec son look années 70 et sa coiffure à la Joe Dassin, le dandy terroriste – « cocktail lounge terrorist » selon les médias britanniques –, amateur de femmes et phraseur, marque 3 points à 0 à son match contre la DST ; c’est ensuite avec une gueule à la Che que, réglée par une chorégraphie prodigieuse, s’accomplit l’hallucinante prise d’otages des ministres de l’Opep à Vienne en 1975 ; c’est enfin, et douze kilos plus tard, le mercenaire en fin de règne qui a radicalement raison du doctrinaire. Idéalisme, pragmatisme, cynisme… Sans jamais se laisser laminer par un rôle écrasant et très physique, sans jamais tomber dans la caricature, Edgar Ramirez (acteur d’Iñãrritu dans Amours chiennes et 21 grammes) explore les multiples visages du personnage bien au-delà de sa légende et accomplit une performance hors normes (avec un petit bémol cependant : Ramirez peine à être le « vrai » fumeur qu’était Carlos). Flamboyance du héros et de la mise en scène oblige, le point de vue des victimes, défendu par les seules images d'archives des attentats, reste forcément en net déséquilibre par rapport à celui du bras armé. Mais il serait déloyal d’arguer de cet état de fait, ajouté à l’inévitable empathie accumulée par le réalisateur au fil de son travail sur le personnage, pour le taxer de la moindre complaisance dans cette mise en abîme efficace qui, pour autant, n’en appelle jamais à la fascination ou à une quelconque vision romantique du héros, dont la mégalomanie et le narcissisme l’emportent toujours sur le panache. Marie-Jo Astic |
2h20 - Allemagne, France - Scénario : Dan FRANCK, Olivier ASSAYAS - Interprétation : Edgar RAMIREZ, Alexander BEYER, Susanne WUEST. |