Bedevilled
de Jang Cheol-so
Semaine internationale de la critique
palme






Masculin, féminin

Aussi bien dans la psychologie des protagonistes que dans le genre et le rythme, Bedevilled est un film qui évolue de manière assez radicale. Dès le début, il constitue une dénonciation efficace de l'oppression des femmes dans les sociétés machistes, ce qu'elle subissent et ne veulent plus subir. Mais au-delà de cet engagement, le réalisateur (Cheol-so Jang) replace avec finesse le combat contre l'injustice à un autre niveau avec un blâme émouvant de la lâcheté et de l'indifférence envers les faibles.

Pour ce faire, il nous livre deux personnages de femmes à la fois complémentaires et incompatibles qui ont une dualité intéressante : Bok-Nam, victime de sa condition qui garde malgré les pires violences et humiliations un courage et une envie de vivre héroïque ; elle témoigne une admiration émouvante et sans jalousie à Hae-Won, son amie, venue du continent, insouciante, insensible, égoïste et indifférente. Le contraste est fort et reflète ces deux sociétés où le monde de Bok-Nam entretient l'utopie de celui de Séoul et du continent. Le duo oscille tout au long du film face à la violence des hommes entre complicité et trahison, amour et haine jusqu'à la vie et la mort. Le combat est fort, il saisit un spectateur qui se sent alors passif et révolté.

Brutalement, la roue tourne, et le spectateur se retrouve dans cette deuxième partie, devant un film d'un autre genre. La violence exacerbée prend alors des allures de film gore et déroute le spectateur qui doit aller jusqu'à rire pour se sortir de cet excès d'hémoglobine. Ce passage exagéré et presque pervers sème le discrédit sur le blâme jusque-là efficace de l'injustice de la première partie pour arriver à une fin tragique proche du drame shakespearien. Heureusement, si la femme victime s'égare dans une folie de vengeance excessive et peu crédible, son amie vient donner un sens au film avec l'évolution psychologique qu'elle connaît après la prise de conscience tardive et traumatisante de son indifférence et de sa lâcheté.

Caroline Ghristi, Louisa Soenser, Lycée Carnot de Cannes

La loi du plus faible

Dans les rues de Séoul, la radio parle sur un ton joyeux dans une voiture bloquée dans un embouteillage. La radio bavarde, plus loin une femme se fait agresser par deux hommes, la radio rit, la femme cherche de l'aide vers les voitures, et on monte la vitre légèrement tintée pour s'éviter de voir quelque chose de dérangeant.

Voilà déjà le ton du film qui est annoncé. Hae-won, témoin silencieux de ce meurtre, en vient à s'exiler sur une île isolée et sauvage, sur laquelle cohabite un microcosme social où les plus forts règnent par la violence, et les femmes sont généralement les plus faibles.

Si les personnages sont lâches et qu'ils se taisent, tout dans la narration cinématographique crée cette ambiance violente. Les bruits secs des masses, des corps et des chutes viennent briser le silence de cet isolement, un silence qui renforce les coups, qui renforce la violence. Celle-ci est présentée avec toute sa force, par des plans soignés, souvent calmes et posés, et les fréquents renversements de situation dans un même plan créent un décalage entre l'histoire et sa narration. C'est ce même décalage qui est aussi créé par la lumière, toujours claire quelle que soit la situation ou l'horreur de la scène. Mais on ferme les yeux, on préfère se taire, on sourit pour cacher ses larmes, et lorsque ce silence est trop puissant, trop concentré, il en ressort une cruauté extrême. Une cruauté qui est exprimée au spectateur par une mise en scène sans prise de parti, des cadrages très frontaux sur les personnages nous obligeant à nous identifier à eux.

En réalité, dans ce film, il n'y a ni gentil ni méchant, même les spectateurs sont coupables car témoins incapables de faire quoi que ce soit, et lorsque les faibles prennent leur revanche et éliminent les forts, ils n'en ressortent que moins valeureux.

Sans morale ni pitié, personne ne vaut plus qu'un autre, et la seule solution pour ressortir indemne, c'est d'être aveugle...

Simon Appert, Georges Hauchard-Heutte, Lycée Pierre Corneille de Rouen

Ensoleillées

En sortant de la salle, de quoi sommes-nous sûrs ?

La femme reste considérée comme inférieure à l’homme. En démocratie, la femme a obtenu la parole, mais elle n’a pas le pouvoir de l’exploiter. Les hommes seront toujours plus forts, toujours plus empiriques. Mais chacun d’entre nous possède une part de féminité ainsi qu’une part de masculinité. Cette masculinité parfois animale devient réellement bestiale, tout comme cette violence dont font preuve les hommes. Notre société individualiste nous contraint à nous déshumaniser, nous pousse à agir par la force, loi de la nature. Séoul, bien loin de Moodo, influence ce paysage insulaire. La violence présente dans la capitale s’immisce dans leur vie isolée. Effectivement, Bok-nam est réduite à l’esclavage par son mari, lui-même soutenu par les autochtones. Elle est alors rejetée, car elle aspire à rejoindre le continent avec sa fille, où son amie Hae-won vit. Hae-won est, elle, confrontée au pouvoir hiérarchique qu’impose son emploi, où règne le machisme. Ces amies essayent de trouver une échappatoire, que ce soit en retrouvant le milieu de son enfance ou en libérant sa colère. Cheol-soo Jang, jeune réalisateur coréen, décide de mettre en parallèle deux manières de résoudre les conséquences de leur condition de femmes. La citadine choisit au cours du film l’autodéfense alors que Bok-nam, au début soumise, révèle ensuite son agressivité. C’est d’ailleurs à travers un panoramique, que le réalisateur aligne cette jeune femme au soleil, à sa vraie nature. La lumière reflète les états des personnages, comme Hae-won qui devient alors terrorisée. La musique relie, elle aussi, ces deux femmes bien différentes, par ce symbole de leur enfance. Celle-ci alors à l’origine de leur histoire et sera aussi la cause de leur séparation.

Ce film prend sens avec du recul ; n’ayez pas un avis tranché.

Victoria Diaz, Marie Charlier, Lycée Henri Martin de Saint Quentin


Récolte sanglante

Lâcheté, oppression et indifférence... Voilà les principaux thèmes abordés par le réalisateur Cheol-sol Jang pour dépeindre la violence qu'il considère comme un des grands fléaux de nos sociétés.

Une jeune employée de banque, Hae-won, est témoin d'une agression dans les rues de Séoul. Suite à ce traumatisme, elle est mise en congés forcés par son employeur et décide de se ressourcer quelques jours sur l'île de Modoo, où elle a grandi. C'est là qu'elle retrouve Bok-nam, son amie d'enfance, victime des humeurs et désirs des habitants et habitantes. Ha-won se confronte à une communauté tortionnaire et à un passé douloureux.

À travers une première partie descriptive et réaliste, le cinéaste s'attache plus particulièrement à décrire la pitoyable vie de Bok-nam tandis que, comme vingt ans plus tôt, Hae-won, son seul seul espoir, détourne le regard. C'est alors qu'un autre film commence et que l'empathie que le spectateur avait pour Bok-nam disparaît. Cette seconde partie se révèle décevante, tournant à la farce tragi-comique. En voulant interpeller le public sur un sujet grave et d'actualité, le réalisateur caricature ses pensées allant jusqu'à détruire son propos.

Aurore Marmin, Laurène Caule, Lycée Jean Cassaigne de Saint-Pierre du Mont


1h55 - Corée du Sud - Scénario : JANG Cheol-so - Interprétation : SEO Young-hee, MIN Je, JI Sung-won.

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