La Merditude des choses |
Ça sent la bière Un adolescent pédale à toute allure sur la route : on est bien au pays de la belgitude, des frères Dardenne et de La Promesse, mais côté Flandre où Felix Van Groeninger aborde le volet social dans un style bien particulier. Point de Wallons donc, puisque nous sommes très fortement ancrés en pays flamand et dans les années 80, dans un bled, subtilement subtitled by Titra Film “Trouduc-les-oies”, en immersion totale chez les Strobbe. Gunther, treize ans, vit avec son père Marcel dit “Cel” et ses trois oncles, Lowie dit “Petrol”, Pieter dit “Baraqué” et Koen, dont l’adage préféré “A fuck a day keeps the doctor away” tournera à la franche rigolade à l’occasion de la visite de Mme Fockedey, assistante sociale s’étant mise en quête de tirer l’adolescent de ce merdier. Quatre grands gaillards braillards qui squattent encore chez leur mère (une sainte !), régulièrement évincés qu’ils sont par leurs femmes (toutes des salopes !) et décidément incapables de s’émanciper. Pour Gunther, sa Mémé (très joli rôle de Gilda de Bal) sera la seule jolie chose tendant à atténuer les marqueurs d’un patrimoine génétique un peu trop chargé. Mais comme le lui dit son père on est un Strobbe ou on ne l’est pas, et quand on l’est, il faut assumer. Ce que fait Gunther, avec endurance, tolérance, abnégation, voire même attendrissement. Spectateur perspicace et lucide d’une hérédité qui, une fois adulte, deviendra la matière inépuisable à sa vocation d’écrivain.
|
La lucidité n’est pourtant pas le fort des Strobbe, si l’on en juge par ces presque deux heures de beuverie, tout imbibées de Godferdomme, de ce film plein de mains d’hommes aux croupes des femmes, où l’humour le dispute au cynisme. Dans cette atmosphère de craditude et de trashitude, au fil des courses cycliste à poil, des concours de mazout ou des éructations paillardes, on a pourtant bien du mal à en vouloir à ces affreux ringards. Car La Merditude des choses est sans conteste, dans un style toutefois fort différent de celui de Bruegel l’Ancien, la peinture la plus démonstrative d’une réalité ethnique, où le Flamand apparaît dans toute bonhomie et sa démesure, sa violence et sa tendresse. En filigrane de cette truculence, Felix van Groeningen livre une peu aimable mais saine réflexion sur ce droit que s’arroge sans contrepartie imposée un être humain en infligeant la vie à autrui, sur le sens profond en termes de responsabilité de ce mécanisme antédiluvien, générateur de la plus grande iniquité à l’heure de faire son entrée dans un monde où la vie ne fait pas forcément de cadeau. Marie-Jo Astic
|
1h48 - Belgique - Scénario : Felix VAN GROENINGEN, Christophe DIRICKX - Interprétation : Johan HELDENBERGH, Koen DE GRAEVE, Pauline GROSSEN, Wouter HENDRICKS, Natalie BROODS. |