Hôtel Woodstock |
Il était une fois en Amérique... Mineure dans la filmographie de Ang Lee, cette comédie en demi-teinte pourra sembler une parenthèse dans une carrière inégale mais comportant des sommets, à l'instar de Garçon d'honneur, Tigre et dragon ou Le Secret de Brokeback Mountain. Ceux qui attendaient "le" film sur Woodstock déchanteront, et on leur conseillera l'excellent documentaire, inégalé à ce jour, de Michael Wadleigh (1970). Adapté d'un ouvrage relatant cet événement historique de la contre-culture musicale américaine, le récit de Taking Woodstock se concentre sur une petite histoire dans la grande histoire. Jeune artiste sur le carreau de retour de Greenwich Village, Elliot a brûlé ses maigres économies pour sauver ses parents hôteliers de la faillite. Retournant vivre auprès d'eux, il saisit l'opportunité d'aménager le minable motel lorsque la bourgade voisine refuse d'accueillir un festival de musique devant rassembler près d'un million de fans... Ang Lee a le mérite d'éviter les travers du film de reconstitution d'une période musicale : ici, point de succession de chansons visant à transformer l'écran en karaoké géant et les spectateurs en adeptes béats de radio nostalgique. L'économie de moyens est au service d'une chronique attachante et sans prétentions, dans laquelle de délicieux seconds rôles font des apparitions excentriques, à l'image de Emile Hirsh (Into the Wild) en baba déjanté ou Liev Schreiber (The Manchurian Candidate) en ex-marine devenu travesti et agent de sécurité ! Imelda Staunton (Vera Drake), en mère hystérique et despotique, se distingue par contre par un jeu un brin histrionique... Et puis, Ang Lee retrouve son thème de prédilection, l'homosexualité, à travers l'expérience d'une quête identitaire qui reflète les évolutions socioculturelles des années 60/70 tout en trouvant écho dans les préoccupations d'une certaine jeunesse plus contemporaine. Loin de l'académisme qui guettait certaines productions comme Lust Caution, Taking Woodstock séduit par un ton plus libre, une forme plus légère, et une mélancolie discrète qui perce derrière la drôlerie ambiante.
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On ne ressort pourtant pas pleinement satisfait de la projection. D'abord, parce que les grands films sur l'ambiance de cette période charnière ont déjà été réalisés : l'on songe évidemment à Easy Rider, mais aussi Macadam à deux voies, More, voire Les Valseuses ou Nashville. Ensuite, un sentimentalisme de façade et une banalité des situations affadissent considérablement l'évocation de comportements subversifs : la séquence de séduction dans la caravane, avec consommation de drogues et relations charnelles, verse ainsi dans un esthétisme aseptisé qui n'est pas sans évoquer les photographies kitchissimes d'un David Hamilton dans les années 70. Enfin, le cadre de la "sitcom" pour grand écran n'est pas suffisamment dépassé, et certains passages (le harcèlement des créanciers, la réunion de commerçants ultra-conservateurs, l'intoxication involontaire des parents... ) souffrent d'un surlignage excessif, là où un Altman ou Monte Hellman témoignaient d'une verve plus nuancée. En définitive, Taking Woodstock est une agréable ballade qui n'avait sans doute pas sa place en compétition officielle mais se laisse voir sans ennui, ce qui n'est déjà pas négligeable... Gérard Crespo
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1h50 - Etats-Unis - Scénario : James SCHAMUS, d'après le livre de Elliot TIBER et Tom MONTE - Interprétation : Emile HIRSCH, Demetri MARTIN, Liev SCHREIBER, Imelda STAUNTON, Jeffrey Dean MORGAN. |