Dis-moi qui tu es |
Raison et sentiments Réalisateur des grandioses Le Vent (1982) et Yeelen (1987), Souleymane Cissé est, avec Idrissa Ouedraogo et le regretté Ousmane Sembene, le plus grand cinéaste de son continent. Absent des écrans de depuis Waati (1995), il offre son grand retour avec ce conte singulier aux tonalités rohmériennes et pagnolesques, seul long métrage africain dans ce cru 2009 du Festival de Cannes. L'originalité du film est de se démarquer tant des scénarios sur la mythologie et les coutumes africaines que du misérabilisme militant auquel même le captivant Bamako n'avait pas échappé. Le récit de Min Ye est ici en premier lieu insolite dans le fait qu'il décrit l'évolution d'un adultère. Issa ne supporte plus son mari et décide de prendre un amant, lui-même marié. Les hésitations de cette femme, cherchant une alternative à la sclérose de son ménage (polygamique) tout en ne souhaitant pas renoncer à certains signes d'un confort matériel offrent de savoureuses séquences de comédie par un ton de marivaudage peu présent dans cette cinématographie. En second lieu, la caractérisation socioprofessionnelle des personnages est ici limitée à la bourgeoisie. Même l'épouse (médecin) possède un certain capital culturel et pourrait aspirer à une indépendance financière, loin du cliché (véridique, certes...) de la femme africaine coupée du système éducatif et réduite à un rôle domestique. Car Issa est loin d'être une Emma Bovary de Bamako : l'ennui qui la ronge est lié à une remise en cause de certaines traditions familiales inhérentes à sa communauté ; son désir d'autonomie est plus fort que la pulsion amoureuse assumée qu'elle éprouve. |
"Ceux qui ont été à l’université, qui ont appris et compris un certain nombre de choses, continuent cette pratique polygame encore plus que les classes défavorisées. Le sens profond de ce film est d’ouvrir le débat, non seulement sur la polygamie, mais aussi sur le rôle des "élites" africaines. Les peuples africains se disent que les cadres de leurs pays vont être leurs libérateurs. Mais si ces cadres s’enfoncent, comment la société pourrait-elle se relever ? Dis-moi qui tu es explore ces contradictions." Gérard Crespo |
2h15 - Mali - Scénario : Souleymane CISSE - Interprétation : Sokona GAKOU, Assane KOUYATE, Salif SAMAKE. |