Contes de l'âge d'or
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Un monde parfait Les dernières années de l'ère communiste en Roumanie, à travers les histoires étonnantes de gens ordinaires. Ces légendes urbaines à la fois comiques, étranges, émouvantes puisent leur inspiration dans un quotidien souvent surréaliste, quand l'humour était le seul moyen de survie de tout un peuple. Contes de l'âge d'or restitue cette atmosphère et dresse ainsi à petites touches le portrait soumis à la logique perverse d'une dictature. Le meilleur passage est sans doute celui du photographe officiel, qui croise un délicieux suspense basé sur des faits véridiques à des images d'archives nous faisant revivre une visite du président Giscard d'estaing à Bucarest : moment de cinéma savoureux et ô combien sarcastique. On pourra objecter qu'une telle satire est bien aisée vingt ans après la chute d'un régime et que des cinéastes aussi divers que Milos Forman, Emir Kusturica ou Jiri Menzel prenaient davantage de risque, en osant s'attaquer au système en temps réel. Mais cette catharsis rétrospective semble faire le plus grand bien et confirme la vitalité du cinéma roumain. Gérard Crespo
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Petites histoires, grands esprits Dans ces contes folkloriques sous le régime communiste roumain, cinq cinéastes dont on ignore l'attribution des travaux ont voulu révéler avec causticité le cauchemar de la grande période Ceaucescu. En reflétant à travers quatre contes (qui forment un premier chapitre) les paradoxes et les inégalités de la politique du dictateur roumain, ces réalisateurs issus de la nouvelle vague du pays redéfinissent à travers une série de sketches comment le gouvernement a mené le pays à sa propre perte. Au mieux il y a une histoire de cochon à gazer, séquence absurde qui n'en finit plus d'enchaîner les situations cocasses et improbables pour en arriver à cette morale implacable : celui qui n'a rien a bien plus à donner que celui qui possède tout. Retenons aussi le premier conte de la série, parabole maîtrisée et acide sur la mise en place d'une fête dans un village en l'honneur d'un convoi attendu pour lequel mieux vaut respecter les règles... autour de chaises volantes ; tout le monde va finir tourbillonnant sans fin, ainsi lâché dans le vertige et l'incapacité de réagir : quand la machine est en route et qu'il n'y a personne pour appuyer sur le bouton... Moins grâcieux sont les épisodes consacrés à l'enseignement et à la propagande. C'est tout le problème (rarement évité) d'un film pluriel, celui de tomber non pas dans une forme inégale mais dans une qualité qui désigne des vainqueurs. Dans le deuxième segment, le propos trop théorique finit par tuer l'extrême habileté de la mise en scène. La naïveté se confond avec l'humanisme de la démarche et le scénario se perd dans des choix narratifs, très simples et d'autant moins convaincants que la cible était bien proche et en face. Enfin, le dernier chapitre clôt dans l'amateurisme le plus total cette sélection de quatre courtes histoires. Histoire d'une propagande foireuse à travers un journal, recollage mal pensé des photos ; le film se résume à son histoire, soit un travail à la va-vite, avec perchman qui invite son micro dans le champ, comédiens à la nage. Mais s'agit-il vraiment d'une volonté ? On saura toutefois gré au film d'avoir su, avec très peu de moyens, conter des histoires simples sans jamais aller plus haut et essayer de frapper plus fort que la légende populaire. Les cinq cinéastes ont su garder une homogénéité et une unification stylistique qui en font la force, évitant à chaque film de se battre pour imposer son propre point de vue. Chacun filme son histoire sur des bases communes et ainsi, de rien du tout, les esprits deviennent grands. Jean-Baptiste Doulcet
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2h18 - Roumanie - Scénario : Cristian MUNGIU - Interprétation : Diana CAVALIOTI, Radu IACOBAN, Tania POPA, Vlad IVANOV, Alexandru POTOCEAN. |