Air Doll |
Conte d'une enfance nouvelle Tokyo. Une poupée d’air habite l’appartement sordide d’un homme d’une quarantaine d’années. Elle ne peut ni parler, ni bouger, mais elle est la seule compagne de son propriétaire. Il lui parle, prend son bain avec elle, et lui fait l’amour chaque soir, en rentrant du travail. Mais un jour, le fantasme devient réalité : la poupée prend vie et développe des sentiments humains. Comme un nouveau-né, elle découvre un monde inconnu qu’elle aspire à découvrir. L'âme intangible des films de Kore-Eda a toujours échappée à l'artifice ou aux conventions, construisant des récits sur l'épure dramatique et la consistance du temps qui simplement se déroule (Distance, Nobody Knows, Still Walking). Air Doll, fantaisie à part, récréation ludique sur la quête amoureuse et les bouleversements existentiels, est de fait le premier film du cinéaste japonais à n'être voué qu'à un principe d'artifice, de faux : pour cause, son héroïne est une poupée gonflable dont l'existence alterne entre la vie en chair humaine, et celle en plastique pour laquelle se démène un pauvre type censé combler les trous.
|
À la manière de Park Chan-Wook dans Je suis un cyborg (dont la photographie semble être reprise à l'identique), mais à la différence qu'Air Doll a un motif et un sens, Kore-Eda crée une comédie en apesanteur, imprévisible dans son charme lunaire et la riche thématique qu'il embrasse. Son flux poétique inspire chaque plan, chaque idée comme si tout devait prendre son envol dans le même temps. Extraordinaire d'imagination tout en étant d'une grande paisibilité, Air Doll agrandit les influences de son auteur jusqu'à la BD charnelle et le manga futuriste, tout en gardant de cette épopée le sens premier et le charme enfantin : celui d'une comédie dramatique, dont le décalage improbable offre de magnifiques séquences de drôlerie. Sous les lumières bleutées de l'enfance, comme le papier peint d'une chambre de gosses, Kore-Eda compte rappeler aux adultes que tous les contes ne sont qu'un seul souvenir, celui, essentiel, de notre enfance dissimulée. Tout y est faussement mièvre, dépeignant par le biais d'une esthétique laiteuse et colorée la noirceur hors-champ de la gravité humaine. On sourit à la mort de la poupée là où il n'y a qu'une fatale et sereine affirmation du temps qui passe et qui condamne. Le cinéma japonais semble grandi dans cette évocation acidulée de la vie, à l'encontre des temps technologiques qui dévorent les pensées et les corps. Le plastique de Air Doll, idéalement, devient la peau d'une jeune fille miraculeuse qui découvre la vie comme un enfant qui trouve quelques repères. Offrande au plaisir de la découverte, aux plaisirs de la chair, Air Doll communique sous ses coquineries mignonnes la dimension tragique de l'amour et de la mort. Son actrice, Doona Bae, y est pour beaucoup et clôt de son inoubliable visage d'automate les évasions inspirées d'un film mineur et pourtant immanquable. Jean-Baptiste Doulcet
|
2h05 - Japon - Scénario : Hirokazu KOREEDA, d'après le manga de Yoshiie Goda - Interprétation : Jô ODAGIRI, Du-na BAE, Susumu TERAJIMA, Kimiko YO, ARATA. |