Adieu Gary
Goodbye Gary
de Nassim Amaouche
Semaine internationale de la critique
Prix de la Semaine internationale de la critique




Sortie en salle : 22 juillet 2009


Yasmine Belmadi (1976-2009), qui interprète le rôle de Samir, s'est tué en scooter, deux jours avant la sortie commerciale du film. Comédien sensible et discret, il avait été révélé par Sébastien Lifshitz dans Les Corps ouverts, en 1998. On l'avait ensuite aperçu dans divers films de qualité dont Les Passagers (Jean-Claude Guiguet, 1999), Les Amants criminels (François Ozon, 1999), Filles uniques (Pierre Jolivet, 2003), Qui a tué Bambi ? (Gilles Marchand, 2003), Grande école (Robert Salis, 2004) ou encore Wild Side (Sébastien Lifshitz, 2004).

Gérard Crespo

« Tout le monde veut se casser d’ici et lui il emménage ». Dans une ancienne cité ouvrière Ardéchoise, aux allures de village fantôme de western, vit une poignée d’habitants d’origine maghrébine. Trois générations se rencontrent et se racontent: les anciens ouvriers dont l’usine est maintenant désaffectée, leurs enfants qui cherchent désespérément un meilleur travail que celui de vendeur dans un centre commercial, et les petits enfants dont l’avenir semble bien compromis.
S'ill est vrai que ce thème peut sembler aujourd’hui bien récurrent mais pour son premier long métrage de fiction, Nassim Amaouche a choisi de ne pas tomber dans les banalités. Pas de banlieue parisienne, pas d’esthétisation de la misère, pas de relations conflictuelles entre les personnages…

Les ingrédients d’un film à dimension politico-sociale ne sont pas exprimés. Le ton est drôle et léger et n’enferme pas le spectateur dans une révolte ou un apitoiement envers les personnages. C’est là où réside la plus grande force de ce film.
Les relations entre les membres de la famille sont très riches, ils ne se jugent pas : par exemple personne ne semble reprocher à l’aîné de la famille d’avoir fait de la prison, mais ils ne se comprennent pas vraiment. Le conflit générationnel existe tout de même, les « anciens » ne comprennent pas pourquoi leurs enfants veulent de plus en plus retourner « au bled » alors qu’eux-mêmes ont tellement voulu le quitter. Leur vision du travail est très contrastée, les aînés étaient exploités par le travail dur en usine, les jeunes sont exploités en étant obligés de porter des costumes ridicules et les enfants ont de moins en moins de soutien de la part de leurs parents. Mais à travers ces contrastes ces trois générations se rencontrent quand même dans leurs difficultés qui, même si elles ne prennent pas formes semblables, sont fondamentalement identiques.

Par une lumière et un décor très marqué, le réalisateur plonge le spectateur dans une ambiance western où par exemple, un des fils du village attend désespérément le retour de son père, qu’il associe à Gary Cooper. Et quelle meilleure idée que de marquer le style western qui symbolise le développement et la prospérité, sur une histoire au fond de délocalisation et de régression du niveau de vie.
La musique de Trio Joubran accentue ce style western et accompagne l’épopée de chaque personnage tellement unique et tellement semblable aux autres à la fois.
Dans son film, Nassim Amaouche nous offre un tableau très agréable à regarder où chaque personnage fait sa propre « conquête » du bonheur.

Laura Desèbe et Céline Krawczyk
Lycée Louis Armand de Chambéry


A western dream

Un tunnel d’un noir d’encre, une lueur persistante à l’extrémité. Des rails se dirigeant vers l’infini. C’est ainsi que Nassim Amaouche représente la vie dans les premiers instants de son long-métrage. La misère, mais également l’espoir de jours meilleurs à bord du train de l’existence. Il réussit en l’espace de courtes soixante-quinze minutes à renouveler le topo de la bassesse sociale, de l’ancienne société ouvrière dépérissante tout en y mettant humour et légèreté et en évitant le pathétisme habituellement utilisé pour traiter ces thèmes. L’aspect esthétique y contribue. En effet toute l’originalité de ce film réside dans les images, les plans, les cadrages empruntés à la tradition du western américain. Le réalisme n’en est pas moins mordant. Dans cette ancienne ville ouvrière, qui nous rappellera fortement les mythiques Ghost Town minières californiennes, les anciens manœuvres de l’usine désaffectée s’agrippent à leur passé. Cette comédie sociale expose de nombreux caractères dont le but final sera de progresser vers un nouveau mode de vie. Samir veut un meilleur travail, Icham veut retourner au Maroc, Nejma va à Paris et Francis, quant à lui, veut achever la réparation de sa locomotive. Les personnages attachants sont interprétés avec une performance certaine. Bien que d’apparence la communication soit leur principal problème, les lignes du scénario sont riches et d’une simplicité appréciable. Quelques plans, pris à distance, montrent au spectateur l’importance insignifiante de cette classe ouvrière ignorée dans la société actuelle. La musique aux sonorités de country orientale achèvera de parfaire cette œuvre, qui nous emportera tel le vent emporte la poussière dans les rues désertes de la citée oubliée.

Marie Kolbenstetter, Lycée Bartholdi de Colmar

Le train siffle une quatrième fois grâce à Nassim Amaouche. À la manière de Gary Cooper dans  Le Train sifflera trois fois, Samir incarne le retour (dans sa ville d'origine) et Icham l'envie de départ (vers Marrakech, sa deuxième culture).

Ce film parle de thèmes déjà très (trop?) abordés mais de façon très différente, sans cliché ni caricature, et avec humour. Les relations parents – enfants sont rendues difficiles par un manque de communication flagrant. José s'enferme dans son mutisme car il attend le retour de son père, qu'il assimile à Gary Cooper. Les fils de Francis se trouvent divisés entre leurs deux cultures : marocaine et française.

Le film et le scénario paraissent légers, non pas par les sujets mais par la manière de les aborder, avec humour et enthousiasme. L'œuvre soulève aussi, beaucoup plus discrètement, le problème de la drogue qui a conduit Samir en prison et qui est encore là à sa sortie.

La musique est utilisée à bon escient, sans exagération, et toujours placée aux moments propices : orientale, jouée au Oud, elle détend le spectateur et le fait rentrer de plein pied dans la culture maghrébine ; occidentale, elle ajoute du suspense. Associée au travelling de la toute première scène - une voiture sur des rails qui roule dans un tunnel vers la lumière - elle nous entraîne immédiatement dans le film.

Nassim Amaouche, ose, contrairement à la plupart des réalisateurs, esthétiser la misère sociale, en mettant en valeur ses personnages au travers de leur vie ordinaire. La ville où ils évoluent se vide de ses habitants à cause de la délocalisation de l'usine malgré la lutte syndicale des ouvriers. Les acteurs incarnent réellement leurs personnages et sont tout à fait convaincants dans leurs rôles.

Captivant, émouvant, vivant : allez voir Adieu Gary.

Elodie Saby et Hana Cherrat, Lycée Marcelin Berhelot de Pantin


Une ruelle ensoleillée dans un village, des personnages vrais parfois déchirés, une chaleur d’été à l’image d’un climat jovial. L’usine. Ce lieu désaffecté est un élément central du film de Nassim Amaouche. Le décor étant pourtant réduit à sa plus simple expression, le réalisateur parvient à montrer l’ambigüité de son sujet.

Francis, ouvrier au chômage depuis la fermeture de l’usine, et ses deux fils, Samir et Isham, sont présentés comme une famille aimante bien que troublée. Alors que Samir sort de prison, il retrouve son ancien monde, si semblable mais si différent. Rythmé par une musique orientale qui rappelle l’origine ethnique des personnages, l’ambiance paisible et à la fois poussiéreuse, ainsi que la sphère spatio-temporelle qui semble suspendue, le film résonne comme un western classique traitant de sujets actuels avec subtilité. Tout en abordant les questions de l’identité et du travail, l’œuvre sait rester plaisante, voire sarcastique, dépourvue d’une dimension dénonciatrice ou moralisatrice. Si ces thèmes récurrents relèvent du militantisme, le réalisateur ne tombe pas dans l’excès et s’attaque plutôt à la question des sentiments humains, telles les relations père/fils et amoureuses. Contrant les préjugés et sans tomber dans la caricature, Nassim Amaouche dépeint des situations difficiles ou les personnages réagissent pourtant avec pertinence, espoir, et même humour. Un nouveau travail, de nouveaux projets, et même de nouvelles amours dénotent d’une certaines confiance en l’avenir, plein d’ambition et de promesses. L’espérance est véhiculée tout au long du film, à l’image d’un tour de passe-passe. Une pièce change de main, les temps évoluent, la vie aussi.

Elsa Mokrane et Olga Benne, Lycée Paul Valéry à Sète


1h15 - France - Scénario : Nassim AMAOUCHE - Interprétation : Jean-Pierre BACRI, Dominique REYMOND, Yasmine BELMADI, Sabrina OUAZANI, Bernard BLANCAN.

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