« Un impossible rêve »
"Linha de passe" se traduit sans doute par "surface de réparation", cette zone où sur un terrain de football se joue le plus souvent la victoire ou la défaite.
Ici, pour les quatre fils sans père de Cleuza, c'est ce moment où culmine le risque maximum de franchir ou non la limite qui fera basculer les destins.
Si, sur fond de fatalité, d'injustice, de mauvais sort qui s'acharne, le thème a été maintes fois traité, Walter Salles et Daniela Thomas lui donnent une nouvelle dimension en portraiturant des personnages particulièrement attachants.
Cleuza en tête, mère de trois très grands garçons, d'un plus jeune, et à nouveau enceinte d'un cinquième enfant, qu'elle espère bien être une fille, peu aidée qu'elle est dans cette mégapole d'un Brésil encore profondément machiste. La vie est rude et ses heures de ménage sont loin de suffire à satisfaire les appétits de sa tribu.
Cette vie, Cleuza la mène comme un match de foot, en supporter acharnée, rendant coup contre coup sur un terrain où la désespérance joue une partie adverse qu'elle se fait fort de mater. Sur la défensive pour protéger ses secrets et éluder la question des pères de ses enfants. En attaque perpétuelle pour survivre.
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Elle est au centre de son équipe composée de Dario, qui joue sa vie sur un match test, de Denis, fuyant ses responsabilités, de Dinho, se croyant protégé par la religion et du jeune Reginaldo, en quête de son père tout en reprochant à sa mère de l'avoir choisi carrément trop noir.
Tout occupée à jouer perso, la fratrie est rarement réunie, si ce n'est cette très belle scène, au cours de laquelle les quatre frères se font des passes.
S'ils n'ont plus grand chose à rêver, ils y croient encore un peu, s'acharnant à vivre sur un fil et à ne pas basculer du mauvais côté.
Contre toute attente, celui auquel on s'attendait le moins franchira
la ligne, tandis que l'on quittera les autres en équilibre fragile sur cette frontière et que Cleuza doit se préparer à sa nouvelle délivrance.
Au dernier coup de sifflet, rien n'est joué, et Cleuza débute une nouvelle partie.
Une mise en scène énergique, un scénario tout en muscle et, on l'aura compris, une très belle distribution…
Marie-Jo Astic
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