« Il a eu le loisir de choisir sa mort, ce qui n’a pas été le cas de ses victimes. »… voici ce que déclarera Margaret Thatcher au moment des funérailles de Bobby Sands, décédé le 5 mai 1981 après une longue agonie de soixante-six jours, durée de sa grève de la faim. Activiste de l’IRA, condamné à quatorze ans de prison pour activités politiques anti-britanniques, il aura lutté avec ténacité et héroïsme afin d’obtenir de nouveau pour lui et ses camarades de combat le statut de prisonnier politique et non de droit commun, perdu en 1976.
Steve McQueen, dont c’est le premier long métrage, formellement parfaitement maîtrisé, s’attache à peindre la figure sacrificielle en s’approchant très près des limites de se que peut supporter notre corps, corps qui devient, selon les propres mots du réalisateur, “la dernière ressource de la contestation ”.
Fort de son expérience de vidéaste internationalement reconnu, le réalisateur anglais propose un découpage au cordeau en trois parties qui ne laissent aucune respiration :
Premier choc, premiers plans : la grève de l’hygiène. Les prisonniers nus tartinent les murs des cellules de leurs excréments. Douches forcées. Passages à tabac. Point de vue d’un maton qui permet de ne pas trop tomber dans le manichéisme faussement bienveillant… Celui-ci quitte chaque jour son domicile avec la peur au ventre d’un attentat. D’où un défoulement d’autant plus déchaîné lors des rapports de force avec les détenus…
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Deuxième choc, un plan séquence hallucinant de vingt minutes, cassant littéralement le rythme et imposant le dialogue entre Bobby et le Père Moran dont la continuité en temps réel nous empêche de nous distraire des questions fondamentales du point de vue humain, politique et religieux sur le sacrifice annoncé de Sands.
Troisième choc, l’inéluctable destruction physique du jeune Irlandais. La caméra arrive à filmer le corps tuméfié, décharné, avec ses escarres, ses déchirures, sans concession aucune, mais avec un tact étonnant. La qualité de filmage ajoutée à l’interprétation incroyable de Michael Fassbender, c’est là sans doute la réussite remarquable de ce premier film qui, bien que militant, ne tombe jamais dans le piège du prosélytisme thésard ou du réquisitoire racoleur.
Jean Gouny
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