Dernier maquis
Aden
de Rabah Ameur-Zaïmeche
Quinzaine des réalisateurs
palme
Sortie en salle : 22 octobre 2008




Les 3e rencontres cinématographiques de Carros ont permis de projeter une sélection « Cinéalma » de films méditerranéens dont deux découvertes de Cannes 2008 : Snow (Grand prix de la Semaine de la Critique) et Dernier maquis (Quinzaine des Réalisateurs).

Parrain des rencontres, Rabah Ameur -Zaïmèche, qui gratifia le public d'une « leçon de cinéma » avant la projection, s'octroya le rôle du donneur de leçon tout court dans ce qui tint lieu de débat après la séance. Invitant les spectateurs à s'exprimer ouvertement dans ce qu'il voulait une agora citoyenne, il n'hésita pas à éluder des questions, couper la parole aux intervenants ou feindre une colère bien tempérée devant tout point de vue opposé, comme dans un mauvais « Dossier de l'écran » des années 70. Ses jugements à l'emporte-pièce sur la laïcité, la « plus value » extorquée aux dominés par les dominants et la nature humaine réduite aux instints de survie, reproduction et domination ont donné lieu à d'agaçants lieux communs. Et pourtant, Dernier maquis mérite le détour et le réalisateur témoigne d'un vrai talent de conteur et de visionnaire.

Dans une zone industrielle non identifiée, un petit patron (interprété par le cinéaste lui-même) dirige une PME spécialisée dans la réparation de palettes. Afin de fidéliser ses ouvriers et 'éviter l'absentéisme, il décide de jouer la carte du paternalisme et d'ouvrir une mosquée dans l'usine, et il en désigne l'imam. Mais l'air du temps est à la flexibilité et après avoir manipulé ses salariés, Mao (tel est son nom) leur annonce la fermeture du site...


Les films français traitant du monde de l'entreprise industrielle sont suffisamment rares pour que le thème en tant que tel attire notre attention. Comme dans Ressources humaines, Trois huit ou Violence des échanges en milieu tempéré, le réalisateur décrit un microcosme cheminant inéluctablement vers le conflit et opte pour un style semi-documentaire qui le relie à tout un pan du film social francophone de ces dernières années : celui des frères Dardenne bien sûr (on est un peu dans La Promesse), mais aussi les œuvres de Cantet (outre Ressources humaines, on songera à Entre les murs pour le traitement du communautarisme) et de Karim Dridi (Khamsa). En fait, le cinéma de Rabah Ameur-Zaïmèche se situe aussi dans un no man's Land cinématographique, dans sa volonté d'éviter tant le propos et le style consensuels d'un Abdellatif Kechiche (qui lui est supérieur) que le pompiérisme fumeux d'un Nicolas Klotz.

L'extrême économie de moyens et l'épure de ce drame servent admirablement le propos, et l'on appréciera les quelques digressions dont cette magnifique séquence avec un ragonnet mystérieusement trouvé dans l'atelier.

Au final, voici un film de haut niveau qui ne laissera pas indifférent même si ses intentions ne sont pas toujours claires.

Gérard Crespo

 


1h33 – Belgique / France - Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche, Louise Thermes - Photo : Irina Lubtchansky - Décors : François Musquet - Musique : Sylvain Rifflet - Montage : Nicolas Bancilhon - Son : Bruno Auzet, Timothée Alazraki - Interprétation : Abel Jafri, Christian Milia-Darmezin, Sylvain Roume, Rabah Ameur-Zaïmeche, Salim Ameur-Zaïmeche, Mamadou Kebe, Mamadou Koita, Larbi Zekkour.

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