Une vieille maîtresse
An Old Mistress
de Catherine Breillat
Sélection officielle
palme


Cette adaptation d’un roman de Barbey d’Aurevilly marque un tournant dans l’œuvre sulfureuse de Catherine Breillat. C’est son premier film en costumes, et il bénéficie d’un budget confortable. L’argument est fidèle au livre : le beau Ryno de Marigny (Fu’ad Aït Aatoun, ténébreuse révélation) s’apprête à épouser une noble jeune fille. La grand-mère de la fiancée (Claude Sarraute, digne héritière de Gabrielle Dorziat et Marguerite Moreno) est prévenue que le dandy fréquente depuis dix ans la Vellini, femme de mauvaise vie (Asia Argento, un peu terne). Un flash-back revient sur cette passion dévorante contée à la douairière attentive dont la jouissance à écouter le récit n’est pas le moindre aspect du film.
Quand un émule (ou un ancien) de la Nouvelle Vague donne dans la reconstitution historique romanesque, cela peut donner un produit sans âme (Les Destinées sentimentales d'Olivier Assayas), un pastiche truffaldien (Adolphe de Benoit Jacquot) mais aussi une passionnante expérience, comme la dernière adaptation de Balzac par Rivette himself.


Ici, Breillat réussit en partie son pari, en dépit de quelques longueurs. Elle reste fidèle à ses préoccupations thématiques (les rapports étranges entre domination et soumission, l’incandescence de la passion amoureuse) mais les enrichit d’une palette littéraire et lyrique. En même temps, un dialogue subtil rend hommage aux délices rohmériens, par la mise en relief du décalage entre le discours des personnages et leurs actes. La qualité picturale de certains plans (le tragique épisode algérien) révèle en outre un nouvel aspect des aptitudes de la cinéaste.
« La vie n’est pas un clip. Quand on raconte quelque chose dans la vie, on parle lentement. Pourquoi au cinéma ne pourrait-on pas rendre ça ? Le rythme, c’est la pensée, c’est le déroulement de ce qui nous passionne. » Cette déclaration de l’auteur dans Positif éclaire une certaine lenteur (relative). Se préoccuper à la fois du texte et du contexte visuel est ici dans la lignée d’un certain cinéma français, celui des Pagnol et Guitry. Ce n’est pas le moindre des compliments que l’on puisse adresser à Catherine Breillat.

Gérard Crespo


1h54 - France - Scénario et dialogues : Catherine Breillat - Photo : Yorgos Arvanitis - Décors : François-Renaud Labarthe - Musique : -- Montage : Pascale Chavance - Son : Yves Osmu, Sylvain Lasseur, Emmanuel Croset - Interprétation : Asia Argento, Fu'ad Ait Aattou, Roxane Mesquida, Claude Sarraute, Yolande Moreau, Michael Lonsdale.

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