Après Être et avoir (2002), Nicolas Philibert confirme sa maîtrise dans le genre du documentaire. Assistant réalisateur de Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère de René Allio, en 1976, Philibert revient sur les lieux du tournage et retrouve les agriculteurs qui furent les interprètes, non professionnels, de ce beau film méconnu.
Aussi à l'aise pour filmer les travaux des champs que pour conter la vie d'un instituteur ordinaire, le cinéaste débute ce Retour en Normandie par une description minutieuse des rituels du secteur primaire qui n'est pas sans rappeler Farrebique et Biquefarre de Georges Rouquier. Mais très vite, c'est la volonté de donner la parole aux ex-protagonistes de ce tournage insolite qui devient l'axe principal. De brefs extraits du film et des photos de tournage constituent une aération didactique entre deux paroles évoquant les souvenirs. Telle anecdote, tel rappel sur les conditions de tournage d'un film artisanal permettent d'évoquer des passerelles entre les années 70 et la période actuelle. Si maints acteurs du films sont restés paysans, certains parcours étonnent par leur contraste et leur émotion :
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les passages du film montrant cette ancienne boulangère devenue militante associative sont imprégnés d'une touchante humanité.
Mais sans doute le « clou » du film réside-t-il dans une sorte de mystère autour du comédien qui incarnait Pierre Rivière : Claude Hébert fut le seul habitant du village à avoir poursuivi une petite carrière en tant que professionnel jusqu'au début des années 80. On le vit notamment dans le rôle principal de La Drôlesse de Doillon. Qu'est-il devenu ? Pourquoi cette disparition soudaine depuis une vingtaine d'années ? A-t-il vraiment été aperçu dans la région ? Les réponses seront révélées dans le film et constituent une mise en abyme passionnante, même s'il est permis de penser que Philibert manipule un peu le réel, à l'instar du grand Flaherty dans Nanouk.
On peut regretter que les salles ayant projeté ce Retour en Normandie n'aient pas également diffusé le film de Allio en double programmation. Tel quel, le documentaire devrait ravir un large public et constitue bien plus qu'un bonus à Moi, Pierre Rivière...
Gérard Crespo
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