Sommet dans l'œuvre des frères Coen, No Country for Old Men s'inscrit dans la veine de Sang pour sang (1985) et Fargo (1996) avec lesquels il pourrait constituer une trilogie.
Adapté d'un roman à succès, le scénario reprend la trame du type banal dépassé par une situation qu'il a lui même créée. Un cowboy courageux et opiniatre (Josh Brolin), découvre un magot convoité par un tueur psychopathe (Javier Bardem, époustouflant), armé d'un pistolet d'abattoir à gaz comprimé. Une bande de Mexicains déchaînés est également de la partie, tandis que la loi est incarnée par un shérif désabusé (Tommy Lee Jones), flanqué d'un adjoint demeuré. Woody Harrelson en tueur à gages pitoyable complète la distribution. L'enracinement géographique est l'autre point commun avec les deux autres œuvres citées. Ici, le sud texan est un décor de rêves pour une course-poursuite à la fois haletante, effrayante et désopilante. Le mélange des genres du western, du thriller et du road movie est maîtrisé de bout en bout, et sied particulièrement aux cinéastes, dignes héritiers d'un Sam Peckinpah (on retrouve un peu l'esprit de Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia.)
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Cette filiation est confirmée par la violence stylisée, dont les excès loufoques ne sont pas sans évoquer aussi l'univers déjanté de Tex Avery. À ce titre, la poursuite par le chien dans la rivière est un morceau de bravoure incontestable.
La beauté de certains plans (les couleurs vertigineuses du désert) témoigne de la volonté de perfection artistique et technique des Coen dont les qualités de plasticiens valent celles d'admirables conteurs.
On notera le dénouement pessimiste, dont la métaphysique hustonienne contraste avec le ton de dérision de maintes séquences du récit. Pour notre part, ce dernier opus de Joel et Ethan Coen méritait une deuxième palme d'or, ou tout au moins un prix de la mise en scène curieusement attribué à un film nettement plus lisse et académique.
Gérard Crespo
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