Quelques tartes aux myrtilles plus tard – celles que Jeremy a le plus de mal à écouler – pour oublier, changer d'air et d'horizon, Elisabeth prend la route : au jour 57 et à Memphis, elle devient Lizzie et serveuse dans un restaurant le jour et un bar la nuit. Elle s'y lie d'amitié avec Arnie, blessé à mort par la vie et son amour désespéré pour Sue Lynne, amour repoussé autant que partagé. Au jour 251, la trop gentille Lizzie "dépanne" Leslie, joueuse de poker invétérée et, deal oblige, elles partent ensemble au Nevada où Leslie a une affaire à régler. Au passage Leslie inculque à celle qui s'appelle désormais Beth quelques leçons sur la crédulité et la défiance, le don de “percer” son adversaire au jeu et de se servir des autres pour se connaître soi-même : « Les autres nous servent de miroir. » Au passage aussi, nous profitons de quelques superbes coups de poker menés de main de maîtresse par Leslie.
Au jour 300, Elisabeth en a fini des éloignements : à New York, Jeremy a gardé sa table réservée et continue de proposer à sa clientèle la tarte aux myrtilles, au cas où.
Une très belle histoire d'amour(s) que, tout en douceur, Wong Kar Waï peint avec une infinie sensibilité.

Marie-Jo Astic