Sonhos
de peixe
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Comme
un poisson dans l'eau…
Mer. Bateau. Poissons. Mer. Bateau. Poisson. Tel est le quotidien de Jusce, jeune pêcheur brésilien. Même s’il risque sa vie en plongeant à trente mètres sous l’eau, il détient une bouffée d’oxygène indispensable : Ana. Il profite du rituel qu’est la “novela”, mélodrame ridicule qui captive le village entier, pour se tenir près d’elle et s’enivrer du parfum de ses cheveux. Il est privé de ce plaisir par l’arrivée de Rogerio et de sa buggy. L’irruption de cette modernité, promesse d’évasion, séduit la jeune femme qui ne rêve que de voyages et de rencontres. Malgré son orgueil blessé, Jusce va tenter désespérément de retrouver sa place auprès d’elle. Ce film sort indéniablement de la veine actuelle : son côté néoréaliste mêlé à un aspect documentaire nous pousse à saluer le courage du réalisateur Kirill Mikhanovsky. Il a effectivement opté pour un casting judicieux composé à la fois d’acteurs professionnels et d’amateurs (pêcheurs, habitants du village), ce qui renforce le naturel et le réalisme du film. |
La
dimension poétique et le rôle important de la Nature ne
sont pas sans rappeler Terence Malick et ses plans dictés par
les éléments. Les contrastes sonores et rythmiques, les
plans parfois excessivement longs, la langue chantante de même
que l’appel aux sens, exacerbent la sensibilité du spectateur.
Cependant, on peut se demander si l’intrusion de la modernité sous
les traits de la télévision géante n’est
pas superflue, puisqu’elle est déjà évidente.
En effet, le film ne pourrait-il pas s’achever sur ce travelling
arrière où l’on voit Jusce porter Ana sur son dos
? |
Derrière une intrigue
simple, une vision du Brésil se profile devant la caméra
de Kirill Mikhanosky, celle des pêcheurs pauvres d’une société oscillant
entre attirance moderne et attachement au passé. Jusce n’a
que 17ans mais il plonge déjà à trente mètres
de fond pour gagner une vie simple sur la terre de ses ancêtres.
Mais les désirs des uns ne sont pas forcément ceux des
autres, sa compagne Ana rêvant d’une vie dorée a l’ image
de celles des novelas télévisées. Quand Rogerio
arrive, elle trouve dans ce nouveau citadin un modèle de vie copié sur
celui de l’occident. Une quête initiatique se prépare
pour Jusce capable de tout sacrifier pour apporter à celle qu’il
aime un peu d’une vie rêvée. C’est autour de
ce passage a l’age adulte que se dessine le portrait d’un
pays. A la manière d’un Rossellini, tourné sans scénario,
sans décor, mais avec des acteurs amateurs jouant leur propre
rôle le film apparaît comme la version moderne et Brésilienne
d’un néoréalisme aujourd’hui oublié. |
C’est à travers
l’écran, qu’il soit petit ou grand que se reflète
l’autre monde, le microcosme des nouveaux riches, des femmes émancipées,
des talons hauts, du luxe et du vice. Univers attirant pour certain,
décadent pour la majorité mais dont l’importance
reste capitale dans une vie de villageois. Pourtant les pêcheurs,
des défavorisés, n’apparaissent jamais pathétiques
ou insultants. |
Une fable moraliste Dans des
paysages somptueux, exotiques, Kirill Mikhanovsky nous livre une
fable d’une grande simplicité et d’une implacable
lucidité. Le film tout d’abord paraît plus un documentaire
qu’une fiction : scènes de pêche réelles,
utilisation de la caméra à l’épaule, beaucoup
d’acteurs non professionnels et plans très soignés.
En effet son expérience en tant que directeur de photographie
marque très fortement l’esthétisme du film. Les
plans séquences, au départ un peu long mais grâce à eux
le spectateur s’immisce dans ce village et s’acclimate
peu à peu à leur rythme de vie. Un rapport direct et
intimiste est donc crée entre le spectateur et les “héros”
du film. |
Jusce,
jaloux, devient prêt à tout pour appartenir à ce
monde superficiel sans y parvenir. Une scène très forte
illustre cela : Jusce à l’arrière de la voiture,
s’en fait violemment éjecter, comme s’il ne pouvait
s’intégrer à cet univers. |
Un pêcheur (trop) rêveur. |
Ayant
acquis le formidable objet,
il est obligé de casser le mur pour l’installer à l’intérieur
de la maison. Jolie
allégorie, il détruit en fait sa part de naturel, il
néglige ses racines. Au final, le manque d’argent le poussera à vendre
la télévision pour partir avec sa compagne (on peut supposer
qu’elle
ne le restera pas longtemps) vers l’inconnu. |
1h45 –- Brésil / USA - Scénario : Kirill Mikhanovsky - Image : Andrij Parekh - Son : Aloysio Compasso - Décor : Monica Palazzo - Montage : K. D. Klippning - Musique : Artur Andres, Ribeiro - Interprète : José Maria Alves, Rubia Rafaelle, Chico Diaz, Phellipe Haagensen. |