Azur et Asmar
Michel Ocelot
Quinzaine des réalisateurs
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Azur et Asmar est tout simplement l'un des plus beaux films d'animation de l'histoire du cinéma. Son absence de nominations aux César laisse pantois sur la condescendance dont semble être victime ce genre de la part des « professionnels de la profession ». La création d'une catégorie spécifique aurait même pu être envisagée, les réussites de Renaissance et U confirmant la vitalité d'un mouvement.
Les Kirikou exploraient l'univers des contes africains. Ici, le réalisateur se tourne vers le monde arabe médiéval et bénéficie de moyens techniques et financiers qui, loin de terrasser la poésie, sont au service d'une perfection artistique. Si le graphisme des personnages principaux utilise l'animation 2D traditionnelle, la technologie numérique permet des mouvements de caméra et des éclairages dont l'élaboration triple la richesse visuelle de l'œuvre. Ainsi, les épreuves magiques (séquences avec le lion écarlate, les portes) atteignent-elles une plénitude esthétique qui place Ocelot au niveau d'un Grimault ou d'un Miyazaki. Alors que tant de films d'animation sont écartelés entre la dérision (le jubilatoire Cars) et la joliesse mièvre, Azur et Asmar dépasse l'imagerie d'Epinal à laquelle pouvait mener son sujet et offre une splendeur intellectuelle et plastique. Le récit, syncrétisme réussi des univers des contes de Perrault et des Mille et Une Nuits, relate l'amitié entre Azur, jeune noble occidental, et Asmar, son frère de lait arabe. Séparés à la suite d'un coup de tête du châtelain, père d'Azur, les deux jeunes gens se retrouveront dans un pays où les yeux bleus portent malheur et partageront un parcours initiatique.

Le message de tolérance, sous-jacent à l'œuvre, ne sombre pas dans l'angélisme (ce n'est pas Dumbo) et à une époque où la peur de l'autre et les chocs culturels sont exploités par maints démagogues, on ne saurait qu'applaudir l'humanisme de cette fable.
Il convient de souligner également la qualité du travail des collaborateurs. Gabriel Yared signe l'une de ses plus belles partitions musicales et les voix des acteurs sont magnifiques. La notoriété de Patrick Timsit (La Crise) n'est pas ici un simple coup publicitaire. Beaucoup de stars sont utilisées dans l'animation à des fins de marketing (le casting des Shrek) depuis une dizaine d'années sans forcément de plus-value artistique au produit final. Ici, Timsit est époustouflant en faisant parler Crapoux, personnage franchouillard révélateur de l'ethnocentrisme le plus primaire. Hiam Abbas, grande actrice palestinienne (La Fiancée syrienne, Free Zone), prête son élégant timbre de voix et son accent à Jenane, la nourrice au grand cœur.
Déjà grand classique, Azur et Asmar domine une sélection d'animation pourtant très riche cette année à Cannes (Nos voisins les hommes, A Scanner Darkly, Princess). On attend avec impatience le prochain chef-d'œuvre graphique de son auteur.

Gérard Crespo


1h40 - France / Belgique / Italie / Espagne – Animation - Scénario : Michel Ocelot - Son : Thomas Desjonqueres, Cyril Holtz - Décors : Anne-Lise Lourdelet - Musique : Gabriel Yared - Interprètes : Cyril Mourali, Karim M’Ribah, Hiam Abbass, Patrick Timsit.

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