Three Times Zui hao de shi guang Hou Hsiao-hsien Sélection officielle |
Le maître du cinéma taïwanais réalise ici son œuvre la plus séduisante, même si d'aucuns lui préféreront l'ascétisme du Voleur de marionnettes (1993), la rigueur esthétique des Fleurs de Shanghai (1998), voire la mélancolie poétique de son opus français, Le Voyage du ballon rouge (2007).
Three Times était au départ un projet collectif de trois moyens métrages. Transformé en triptyque d'un seul réalisateur, le film relate trois histoires d'amour à trois époques différentes. La chronologie n'est pas respectée, les mêmes acteurs sont interprètes, et Hou Hsiao-hsien retrouve trois veines stylistiques antérieurement expérimentées. Le premier volet, Le Temps des amours, se déroule en 1966, et narre la brève rencontre entre une employée de salle de jeu et un militaire. L'ambiance de Café Lumière (2003) est furtivement recréée mais l'on songe curieusement à Wong Kar-wai, de par le sujet, le traitement, et le jeu de l'actrice Shu Qi aux faux airs de Maggie Cheung. La rupture de ton est ensuite totale avec la seconde partie : Le Temps de la liberté nous ramène à 1911 et évoque la relation de complicité entre une courtisane et un journaliste sympathisant de la résistance à la domination japonaise. Le noir et blanc envoûtant (splendide travail du chef opérateur Mark Lee Ping-bin) et surtout le choix du cinéma muet (avec musique accompagnatrice et cartons) créent un contraste étonnant avec le premier volet. Certains ont crié à l'exercice de style, mais force est de reconnaître que visuellement le résultat est abouti, la distanciation du procédé limitant les effets mélodramatiques de certaines situations. |
À l'instar de Kaurismäki dans Juha, Hou Hsiao-hsien veut montrer l'universalité des aléas humains, au-delà des époques et des choix de représentation artistique. Quant au troisième volet, Le Temps de la jeunesse, il nous présente une relation amoureuse inégale entre deux jeunes femmes dans le Taïwan de 2005. Ici, le cinéaste opte pour la modernité des pratiques amoureuses mais aussi des choix de mise en scène, même s'il verse par instants dans les simples clichés de mode spécifiques à un certain cinéma asiatique. Le numérique, les néons, la techno étaient déjà présents dans Millenium mambo (2001) et imprègnent cet hymne à la jeunesse et au mouvement. La dernière séquence qui montre deux amants traversant la ville en moto est filmée avec un brio incontestable, et clôture l'œuvre en laissant un souvenir marquant, bien après la projection. Three Times est un peu l'art poétique de Hou Hsiao-hsien, cinéaste imprévisible et pourtant fidèle à lui-même. Cette variation sur les diverses facettes et l'universalité du sentiment amoureux mériterait d'avoir sa place dans un best of du cinéma du couple, quelque part entre La Ronde et Lost in Translation. |
2h - Taïwan - Scénario, dialogues : Tien Wen Chu - Photo : Mark Pjng-Bin Lee - Décors : Wern Ying Hwarng - Son : Du Che tu - Montage : Shing Song Liao - Interprétation : Shu Qi, Chang Chen. |