Trois enterrements
The Three burials of Melquiades Estrada

Tommy Lee Jones
Sélection officielle
Prix d'interprétation masculine pour Tommy Lee Jones
Prix du scénario

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Ce coup d’essai en tant que réalisateur de l’acteur Tommy Lee Jones (Le Fugitif, Men in Black) est un coup de maître. Reprenant les codes du western (tournage au Texas, cow-boys à la gâchette facile), il revisite un genre qui a la réputation d’être moribond.
Sans la démystification entreprise naguère par Penn (Little Big Man), il allie l’humanité d’Eastwood (Impitoyable) à la noirceur de Peckinpah, auquel l’apparente rudesse du scénario fait songer. Pourtant, c’est une œuvre personnelle et maîtrisée qui nous est présentée ici, l’auteur rejoignant la galerie prestigieuse des comédiens-cinéastes (Redford, Newman, Beatty, Duvall, Penn…).
On a d’abord affaire à un récit très bien écrit et finement dialogué. Le scénario de Guillermo Arriaga (habituel collaborateur de Alejandro González Iñárritu) relate une inhabituelle histoire de vengeance qui s’avère être une belle leçon de vie. Pete Perkins (Tommy Lee Jones) décide de venger son meilleur ami, un Mexicain clandestin abattu par erreur près de son domicile frontalier. Les autorités locales refusant d’assumer la responsabilité de Norton, un jeune douanier violent et xénophobe, Perkins va enlever ce dernier, l’obliger à déterrer Melquiades et entreprendre avec lui un étrange voyage.
Voulant offrir à son ami une sépulture digne de lui, Pete va par la même occasion affiner le système des valeurs de Norton (pardon, honneur, responsabilité). Cette « mortelle randonnée », assortie d’un suspense policier, puisque les deux hommes sont poursuivis par les autorités, emprunte alors les sentiers du road movie westernien.

Les plus belles rencontres (comme ce vieillard abandonné qui demande à mourir) révèlent peu à peu l’évolution des personnages, l’amertume de Perkins cachant une générosité sans faille et Perkins passant de la lâcheté et la violence à la compassion.
Le film est découpé en chapitres, dont les titres apparaissent sur l’écran, et des flash-back inattendus ressuscitent Melquiades. Le brio de la mise en scène apparaît ainsi dans cette linéarité cabossée, d’autant plus que la scène du meurtre est filmée deux fois, du point de vue du tueur puis de celui de la victime.
La présence du cadavre en décomposition, outre qu’elle suscite un enjeu dramatique (tiendra-t-il jusqu’au terme du voyage ?) crée un climat d’irréalité : nous sommes à l’orée du fantastique, et l’ombre d’une certaine littérature latino-américaine (Gabriel Garcia Marquez) plane alors sur le récit.
La perfection technique de l’œuvre doit être également soulignée : la photo de Chris Menges rend admirablement la luminosité du désert dans un format scope justifié et le montage lie avec habileté les périodes et les espaces.

Gérard Crespo


2h - USA - Scénario, dialogues : Guillermo Arriaga - Photo : Chris Menges - Décors : Meredith Boswell - Musique : Marco Beltrami - Montage : Roberto Silvi - Interprétation : Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Julio César Cedillo, January Jones, Dwight Yoakam, Levon Helm, Melissa Leo, Vanessa Bauche.

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