Joyeux Noël Happy Christmas Christian Carion Sélection officielle Hors compétition |
Cette coproduction européenne a connu un sort singulier. Présentée dans l'indifférence générale hors compétition à Cannes, elle obtint un joli succès à sa sortie en salle avant d'être sélectionnée par quelques académies. Représentant la France aux Oscars (la catégorie meilleur film en langue étrangère est une mine à nanars), Joyeux Noël fut battu par le bien pire Tsotsi. Les César le firent concourir également mais les professionnels, clairvoyants, lui préférèrent De battre mon cœur s'est arrêté.
Le film a tout du produit culturel formaté grand public : un sujet historique émouvant longtemps occulté des manuels scolaires, un casting européen dans lequel Daniel Brühl (Good Bye, Lenin !) croise Dany Boon (qui n'était pas encore notre Ch'ti national), des chants et musiques nostalgiques qui ne sont pas sans évoquer les mélodies des Choristes, un ton consensuel et une imagerie d'Épinal dans laquelle aucun plan ne dépasse les autres. Le scénario, inspiré de faits réels, relate l'histoire de soldats allemands, anglais, et français, qui, en 1914, firent davantage qu'un cessez-le-feu lors du réveillon de Noël. Écoutant des chansons provenant des tranchées du camp ennemi, ils décidèrent d'enchaîner sur les mêmes refrains, puis en vinrent à fraterniser dans un no man's land, anticipant presque l'euphorie que suscitera chez les Berlinois la chute du mur, en 1989... Et c'est là que les choses se gâtent : dialogues creux et mièvres (du style « Regarde, c'est la photo de ma femme! »), bande musicale sirupeuse surlignant l'intensité supposée du moment, sapins de Noël illuminés dans la neige (Verdun revu par un Disney qui aurait assisté à Woodstock). Les personnages sont stéréotypés, désincarnés, ce qui est un comble pour un film qui nous refait le coup du « d'après une histoire vraie » : supérieurs bornés (Bernard Le Coq, excellent au demeurant), militaires du rang benêts. Dany Boon irrite par son imitation ostensible de Bourvil, quand son personnage est calqué sur celui de Carette dans La Grande illusion. Il manque justement un Renoir pour transcender ce matériau de bonnes intentions, mais le Tavernier de La Vie et rien d'autre aurait suffi à insuffler un minimum de souffle romanesque à ce projet : que vient d'ailleurs faire dans cette galère Diane Kruger, doublée par une chanteuse lyrique ? |
On sait que le métier de comédienne a un taux de chômage élevé puisqu'il y a beaucoup plus d'actrices que d'acteurs et que la plupart des rôles sont écrits pour des hommes. On sait aussi que la présence d'une vedette féminine dans un film de guerre lui donne une touche sentimentale. Comme on ne peut pas inventer une figure de femme militaire dans les tranchées de 1914, on avait le choix entre une infirmière et une cantatrice ; ne restait plus qu'à contacter la belle Diane (Monica Bellucci n'ayant sans doute pas été disponible). |
1h55 - France - Scénario, dialogues : Christian Carion - Photo : Walther Vanden Ende - Décors : Jean-Michel Simonet - Son : Pierre Mertens, Thomas Desjonquere, Dean Humphreys - Interprétation : Diane Krüger, Benno Fürmann, Guillaume Canet, Gary Lewis, Dany Boon, Daniel Brühl. |