A vot' bon cœur
Paul Vecchiali
Quinzaine des Réalisateurs
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Pas évident pour certains films d'obtenir une avance sur recette. Et c'est un connaisseur qui vous en parle puisque voici vingt fois que Paul Vecchiali essuie un refus de la fameuse Commission : « On se demande si vous ne voulez pas l'insuccès. Vous êtes totalement indéchiffrable. » et désespère son entourage : « Tu t'étonnes de ne pas avoir eu l'avance… »
C'est donc à la vingt et unième tentative d'obtenir une aide financière que Vecchiali nous convie. Film inachevé dans le film, mots pleins d'humour et de tendresse, belles chansons, auto-dérision, scénario exposé comme un conte, A vot' bon cœur est un petit bijou de lyrisme, débordant de virtuosité grâce à une mise en scène alternant les situations dramatiques, comiques, poétiques ou triviales. Ce film, déroutant, décalé, est l'œuvre d'un réalisateur qui a décidé d'entrer en résistance, un film sur l'économie du cinéma.
Tout le propos, symbolisé par un Mandrin sur rollers qui vole l'argent des riches pour le donner aux pauvres, est là. Malgré son film à deux sous, Vecchiali n'obtient pas le moindre soupçon d'aide et cela ne peut plus durer : l'écran s'est divisé en neuf parties affichant les neuf membres de la Commission, qu'il s'agit à présent d'empêcher de sévir… ne serait-ce que pour ne plus entendre dire que lui, Vecchiali, fait le même film depuis quarante ans…

A noter, pour donner une idée du ton de l'ensemble, que les membres de la Commission eux-mêmes jouent leur propre rôle et sont successivement éliminés — pour de faux —, sauf le président Jacques Le Glou, producteur du film — pour de vrai —…
La grosse farce n'empêche pas le cinéaste d'aborder avec le plus grand sérieux l'art de faire et défaire les scénarios, le fonctionnement du CNC, l'historique de l'avance sur recettes dont le père fut André Mallraux et bien sûr la guerre perdue d'avance entre cinéma d'auteur — les indépendants, les anarchistes, les électrons libres — et cinéma « de crétinisation ».

Marie-Jo Astic


1h33 - France - Scénario : Paul Vecchiali - Photo : Philippe Bottiglione - Montage : Florence Leconte - Musique : Roland Vincent - Interprétation : Elsa Lepoivre, Emmanuel Broche, Françoise Lebrun.

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