Avec ce film digne et généreux, Ousmane Sembène (81 ans) rend hommage à la femme sénégalaise. Sur un thème délicat et longtemps tabou (l'excision des jeunes filles africaines), le grand réalisateur confirme aussi qu'il est un magnifique conteur.
Six fillettes refusent la cérémonie rituelle de "purification" et se réfugient chez Maman Collé (Fatoumata Coulibaly, grande actrice). Le droit d'asile étant une règle fondamentale dans le village, les habitants n'utiliseront pas la force pour récupérer les enfants mais exerceront une pression sur leur protectrice au nom du respect des traditions.
La description du mode de vie de ces habitants obéit à une rigueur ethnologique et le cinéaste montre bien le choc des cultures occasionné par le contact avec l'Occident. Le transistor traduit ainsi la domination culturelle des pays du Nord (uniformisation des goûts musicaux, standardisation de l'information) tout en éveillant les consciences : à l'occasion d'un programme radiophonique, les femmes ont appris que l'excision n'était pas une nécessité religieuse.

Le jeune émigré de retour de France semble condescendant vis-à-vis des villageois mais il prendra le parti des femmes lorsque celles-ci se révolteront. Quelques images fortes sur une réalité glaçante suggèrent l'horreur plus qu'elles ne la décrivent : couteaux crochus, crosses en formes de serpent, visages effrayants de vieilles mutilatrices...
L'utilisation du hors-champ montrera l'importance de la bande-son, des cris de fillettes apeurées étant plus efficaces qu'un discours. Ousmane Sembène a déclaré lors de la présentation de Moolaadé que son film était ouvertement militant et avait pour but d'éveiller les consciences occidentales. L'interdiction de l'excision sur l'ensemble du continent africain reste son objectif principal. L'accueil triomphal réservé au film devrait lui permettre une large diffusion.

Gérard Crespo