Cette
année encore les conflits du Moyen-Orient, présents ou passés trouvaient
un écho à Cannes au travers de plusieurs documentaires ou films de
fictions présentés dans diverses sélections (citons Mur de
Suzanne Bitton à la
Quinzaine, La Porte du soleil de Nousri Nasrallah en Sélection
Officielle).
C'est
au Liban, au début des années 80 que se situe le film de Danielle
Arbid, en pleine guerre civile. Dans un Beyrouth en ruines, entre
deux alertes où l'on se réfugie dans les caves, le quotidien d'une famille
est vu avec la subjectivité d'une adolescente de douze ans, Lina.
Une vie rythmée par les tensions entre sa mère et une aïeule dominatrice,
les visites impromptues d'un père absent et flambeur, et les contingences
de la vie matérielle en temps de guerre.
Aussi la jeune fille se
sent-elle proche de la bonne de la famille, Siham, de quelques
années plus âgée
dont, en chaperon complaisant, elle cautionne les amours clandestines.
Le film privilégie la sphère du privé, les affrontements guerriers étant
volontairement occultés, les factions combattantes indifférenciées.
Les champs de bataille mentionnés dans le titre désignent d'ailleurs
autant l'espace des luttes intimes au sein de la famille que le
territoire où se
déroulent les combats fratricides qui déchirent le pays.
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La réalisatrice,
qui a vécu dix-sept ans au Liban (elle reconnaît la part autobiographique
de son sujet, même si elle n'est pas littérale), parvient, grâce à sa
jeune et talentueuse interprète, à rendre sensible cette chronique
d'une adolescence sur fond de conflit armé.
Il n'en reste pas moins qu'à trop vouloir focaliser sur les conflits familiaux
et les atermoiements de l'âge ingrat de son héroïne, rendre la guerre abstraite
(des immeubles en ruines, des hommes en armes dans les rues) le film perd en
originalité. Bon nombre de péripéties pourraient se retrouver telles quelles
avec pour toile de fond tout autre conflit moderne. On l'a souligné, les enjeux
de la guerre civile libanaise sont volontairement laissés hors champ. Mais un
tel parti pris ramène Dans les champs de bataille sur les chemins balisés
d'une éducation sentimentale, certes abordée avec du talent et une évidente sincérité.
Pierre Soubeyras
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