A Casablanca, les anges ne volent pas
In Casablanca, Angels Don't Fly

Mohamed Asli
Semaine Internationale de la Critique
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Un village berbère sous la neige au cœur de l'Atlas, une jeune femme, Aïcha, accrochée au seul poste téléphonique du lieu pour joindre Saïd, parti travailler en ville, à Casablanca la mangeuse d'hommes. Elle attend un autre enfant et exhorte son époux à revenir auprès d'elle.
Ainsi débute le premier long métrage du marocain Mohamed Asli. Le ton est déjà donné. Le réalisateur veut montrer la difficulté de vivre au Maroc particulièrement pour ces hommes, contraints à l'exil, même à l'intérieur de leur propre pays. Un sujet qu'avait déjà traité Moufida Tlatli dans La Saison des hommes, mais il s'agissait du regard d'une femme sur cette question de l'exil vers la ville. L'originalité du film de M. Asli c'est de nous proposer une autre approche. Il s'intéresse à la part d'humanité de ses personnages, aux rêves accessibles et pourtant irréalisables de ses trois héros, partis travailler dans le même restaurant à Casablanca.
D'abord Saïd, le mari, qui rêve de rentrer au pays auprès d'Aïcha son épouse : c'est un couple amoureux que nous montre ici M. Asli, une vision peu présente jusque-là dans le cinéma du Maghreb. Puis Isma‘l, le jeune serveur qui convoite une belle paire de chaussures, objet dérisoire en soi mais confinant à l'obsession. Enfin Ottman, énamouré de son cheval resté au village et qui n'a de cesse de le récupérer mais dont l'entretien devient trop coûteux.

Des rêves qui vont tourner court… mais M. Asli ne veut pas réaliser un film purement dramatique même s'il a été influencé par le néoréalisme italien — il a étudié à Milan — car sa manière de filmer avec un filtre les grandes étendues neigeuses ou certaines scènes d'intérieur cherche à rendre authenticité et poésie au décor, un peu à la manière d'un Angelopoulos filmant les paysages du nord de la Grèce.
On veut nous montrer les misères et les drames de ces jeunes berbères qui s'expriment d'ailleurs dans leur langue (le sous-titrage étant réalisé en français et en arabe) contraints d'aller perdre leur âme en ville. Mais le réalisateur saisit bien sur les visages sous forme d'instantanés, les déceptions, les tristesses, toutes ces parcelles d'humanité, en gommant tout discours oiseux.
Cette volonté d'authenticité est soulignée par l'interprétation. Les acteurs ne sont pas tous des professionnels : certains avaient une expérience au théâtre et à la télévision mais aucun n'avait travaillé pour le cinéma. Mohamed Asli dit lui-même qu'il a voulu faire « une histoire simple mais pas simpliste ». Le cinéma marocain a été peu représenté ces dernières années dans les compétitions officielles, il est donc intéressant de voir figurer ce film dans la sélection de la Semaine de la Critique. Et même si à Casablanca les anges ne volent pas le réalisateur nous laisse entrevoir les ailes de son inspiration.

Martine Lanari


1h37 - Maroc/Italie - Scénario : Mohamed Asli - Photo : Roberto Meddi - Son : Mauro Lazzaro - Musique : Stephan Mocus - Montage : Raimondo Aiello - Interprétation : Abdessamad Miftahalkhair, Abderrazzak el Badaoui, Laila el Ahiani, Rachid el Hazmir.

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