S-21,
la machine de mort khmère rouge
S-21: The Khmer Rouge Khmer Death Machine Rithy Panh Sélection Officielle Hors compétition |
Ce documentaire est un peu au génocide cambodgien ce que Shoah (1985) fut à l'extermination des Juifs. Dans les deux cas, nous sommes face à des œuvres majeures, aussi inconfortables qu'indispensables, d'une dignité et d'une rigueur remarquables. Rithy Panh est lui-même rescapé des camps Khmers. De 1975 à 1979, « S 21 », centre d'extermination en plein cœur de Phnom Penh, fit près de 17 000 victimes qui périrent après avoir été systématiquement torturées. Il deviendra un musée à partir des années 80. Le film donne la parole aux survivants et à leur famille : Nous suivons ainsi le témoignage de Mey, un vieux mécanicien, qui avait fini par avouer n'importe quoi à ses bourreaux, signant l'arrêt de mort de dizaines de personnes inconnues de lui. Nath, artiste, peint et repeint ce que sa mémoire a gardé du centre. Les paroles les plus fortes du document viennent d'anciens bourreaux, dont ce docteur chargé de rendre « torturables » les victimes inconscientes ou au bout du rouleau ; de même, un ancien gardien refait dans les locaux désormais vides les gestes, sévices et cris, perpétués dans le lieu de ces crimes. |
Au-delà de la tragédie cambodgienne, le film pose, directement ou de façon implicite, la question de la responsabilité individuelle : comment un projet aussi fou et inhumain peut-il être appliqué avec tant de zèle par des complices et exécutants ? Problématique essentielle déjà soulevée jadis par Hannah Arendt, Primo Levi, ou Claude Lanzmann. L'œuvre devrait remettre aussi quelques pendules à l'heure, au moment ou un Jacques Vergès, ex-ami de Pol Pot, minimise les atrocités khmères dans L'Avocat de la terreur de Barbet Schroeder (2007). La nuit et le brouillard sont bien encore présents... |
1h41 - Cambodge - Scénario et dialogues : Rithy Panh - Images : Prum Mesar, Rithy Panh - Musique : Mark Marder - Montage : Isabelle Roudy, Marie-Christine Rougerie. |