Matir Moina
L'Oiseau d'argile

Tareque Masud
Quinzaine des Réalisateurs
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Sans être purement autobiographique, ce premier film de Tareque Masud (réalisateur bengali qui compte cinq documentaires à sa filmographie) est basé sur son expérience personnelle. L'action se situe à la fin des années 60, dans ce qui était l'aile orientale du grand état islamique du Pakistan -aujourd'hui République Parlementaire du Bengladesh. Un mouvement démocratique s'est levé pour lutter contre la junte pakistanaise et atteint son apogée en 1969, entraînant la chute du gouvenement militaire. L'armée pakistanaise annule les élections qui avaient porté au pouvoir le dirigeant démocratique Mujibur Rahman, s'ensuit une répression violente envers la minorité hindoue et les étudiants activistes bengalis... Une guerre civile éclate entre un peulple faiblement armé et des forces soutenues par... les Etats-Unis. Le 9 décembre 1971, après neuf mois de combat, 3 millions de morts et quelques 10 millions de réfugiés, le peuple sera victorieux et fondera l'état indépendant du Bengladesh (que Malraux avait alors soutenu). Pour illustrer ces événements, Tareque Masud filme l'enfance d'Anou, fils aîné d'une famille de la classe moyenne rurale. En ces temps bouleversés, Kazi, le père d'Anou, médecin-homéopathe du village et musulman orthodoxe, envoie son fils étudier à la Madrasa (école coranique), l'éloignant de la famille.

Dans le même temps, le père qui cloître sa femme à la maison se radicalise. Milon, le jeune frère de Kazi, lui, est acquis à la cause démocratique et révolutionnaire. Il offrira à Anou un autre regard sur le monde, l'emmenant même assister à des cérémonies hindoues ! La vie monastique d'Anou à la Madrasa n'est interrompue que par des événements cruciaux : la mort de sa petite soeur Asma, "soignée" à l'homéopathie paternelle, et le soulèvement de l'armée qui pousse Anou et sa mère à fuire les exactions... ou comment le fanatisme religieux peut éloigner les membres d'une famille, faisant d'un fervent adepte l'instrument de la destruction de ceux qui lui étaient les plus chers. Voilà le dernier enseignement — ironie du sort ! — du père Kazi à son fils Anou... Ce qui est vraiment intéressant dans ce film, c'est — outre la musique populaire qui constitue une des richesses de la culture bengali — la galerie de portraits que propose Tareque Masud. Chaque personnage est porteur d'un sens fort : politique, religieux, ou simplement humain. Ces trois pôles se confrontent et rendent certainement bien compte de la complexité des événements d'alors. Les personnalités sont d'ailleurs d'autant plus marquées qu'il s'agit pour la plupart d'acteurs non-professionnels...

Nicolas Fine


1h38 - France / Bangladesh - Scénario : Catherine et Tareque Masud - Image : Sudheer Palsane - Son : Indrajit Neogi - Décor : Kazi Rakib, Sylvain Nahmias - Musique : Moushumi Bhowmik - Montage : Catherine Masud - Interprètes : Nurul Islam Bablu, Russell Farazi, Jayanto Chattopadhyay et Rokeya Prachy.

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