Japon
Japan
Carlos Reygadas
Quinzaine des Réalisateurs
Mention spéciale Caméra d'or

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À deux-cents kilomètres au nord de Mexico est l’état d’Hidalgo : la population est un peu abrutie de solitude et de pulco et les touristes ne s’y bousculent pas : ce n’est pas Cancún. Un homme solitaire boite à travers un paysage désolé et brutal (à l’instar du personnage), sous un ciel plombé de chaleur, où le moindre bruit envahit l’espace de toute sa précision.
Il trouve asile chez une vieille métisse, Ascen, seule habitante d’un canyon désolé : ce n’est pas Laurel Canyon et les images panoramiques à 360° révèlent l’extrême beauté du lieu, son âpreté. Un lieu que l’homme a choisi pour mettre fin à ses jours, démarche qui, d’après Carlos Reygadas, est censée réveiller chez l’être humain l’ivresse des sens. Problème : dans un tel bout de monde, comment soulager ses éveils ? Solution : il est temps de reconnaître à la femme et à la vieillesse leurs qualités trop souvent dénigrées.
Ascen, tout imprégnée de ses rites religieux et de son existence primaire, fera céder la carapace de l’homme et lui enseignera sagesse et apaisement.
Une structure narrative, une volonté affichée d’aller à l’encontre des conventions, une facture originale qui a conduit certains à encenser ce qu’ils ont appelé un « gisement de pétrole esthétique », mettant au rang des abrutis ceux qui n’y auraient vu « qu’une flaque d’eau sale à périr d’ennui. » Ce n’est ni l’un, ni l’autre, mais, si on n’en périt pas, l’ennui fait quand même partie du décorum. Situation d’autant plus gênante que le film révèle d’indéniables qualités.
Une des premières interrogations a aussi été de comprendre pourquoi Japón. Et la question a immanquablement été posée au réalisateur : « Je trouve que les titres sont en général trop descriptifs » a-t-il répondu sans autre commentaire. Qu’il se rassure, celui-ci ne l’est pas.

Marie-Jo Astic


Mention Caméra d'Or au dernier Festival de Cannes, Japón est une œuvre austère et contemplative, qui ne cherche en rien à séduire.
A priori, il semble difficile d'adhérer à l'histoire de ce mystérieux voyageur candidat au suicide trouvant refuge chez une vieille femme vivant dans un hameau sordide, et qui se heurte à l'hostilité des autochtones. La laideur des décors et des personnages, l'extrême lenteur du récit et l'utilisation excessive du plan séquence rebuteront les spectateurs pressés et avides de sensations. Un symbolisme appuyé (les séquences avec les animaux, la destruction du grenier par le neveu cupide) alourdit la portée d'un film qui se veut une réflexion sur le pouvoir patriarcal et la puissance de la nature.
Au crédit du réalisateur, on portera la volonté de ne pas céder aux facilités des prises de vue touristiques (tendance Respiro) et du pittoresque ethnologique (tendance Atarnajuat). En outre, les derniers plans (une caméra balayeuse nous confirme la réalité d'un dénouement tragique) s'avèrent être un grand moment d'intensité dramatique, bien servi par le choix judicieux du Scope. En dépit de sa longueur, cet ovni révèle donc un jeune cinéaste à suivre (Carlos Reygadas), dont le parcours devrait être singulier.

Gérard Crespo

 


2h09 - Mexique / Espagne - Scénario : Carlos Reygadas - Image : Diego Martinez Vignatti - Son : Gilles Laurent, Ramon Moreira - Décor : Alejandro Reygadas - Musique : Johann Sebastian Bach, Arvo Pärt, Dimitri Shostakovich - Montage : Daniel Melguizo, Carlos Serrano, David Torres - Interprètes : Alejandro Ferretis, Magdalena Flores, Carlos Reygadas Barquin, Martin Serrano et Roland Hernandez.

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