En attendant le bonheur
Waiting for Happiness - Heramakono
Abderrahmane Sissako
Sélection Officielle
Un Certain Regard
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Heramakono (En attendant le bonheur) est le nom malien que l'on donne à ces lieux provisoires de transit où l'on vient pour gagner un peu d'argent avant le grand voyage. Abdallah rêve d'Europe, et en attendant le départ, rejoint sa mère à Nouadhibou, une de ses villes étapes de l'exil, sur la presqu'île de la côte mauritanienne. Abderrahmane Sissako pose d'emblée le problème du déracinement : Abdallah ne connaît ni la langue de son pays de destination, ni celle des autochtones. Son regard, se substituant au langage, va s'aiguiser à travers les seuls cadres lui construisant un point de vue. La petite lucarne de la télévision qui diffuse… “des chiffres et des lettres“ ne renvoie pas une image de l'Afrique, mais toujours les mirages de l'Occident. La fenêtre découpée au ras du sol, éclairant sa valise prête pour le départ, laisse une grande part de hors-champ et ne l'éclaire pas plus sur sa propre culture. La vraie étincelle du film de Sissako, c'est

Khatra, un jeune électron libre, aussi espiègle qu'ingénieux, incarnant la vitale transmission. Passeur du savoir — il donnera des cours de langue à Abdallah, récipiendaire des compétences du vieil électricien Maata, témoin des leçons de la Maîtresse de chant à la petite griotte, il transmettra aussi le courant de la fée/sorcière électricité…
Si le film se leste par moment de symboles un peu trop appuyés, le réalisateur de La vie sur terre échappe aux illustrations convenues de la non-communication Nord-Sud, glissant entre les désenchantements de ses personnages des moments de respiration réjouissants (le boubou d'Abdallah taillé dans le même tissu que le canapé et les tentures offre un gag visuel étonnant). La direction des acteurs (non professionnels), laissant place à une liberté d'improvisation, sert avec finesse la douce amertume de cette parabole sur l'exil.

Jean Gouny


1h36 - Mauritanie - Scénario et dialogues : Abderrahmane Sissako - Images : Jacques Besse - Musique : Anouar Brahem, Oumou Sangare - Montage : Nadia Ben Rachid - Décors : Joseph Kpobly, Laurent Cavero - Interprètes : Khatra Ould Abdel Kader (Khatra), Maata Ould Mohamed Abeid (Maata), Mohamed Mahmoud Ould Mohamed (Abdallah), Fatimetou Mint Ahmed (Soukeyna, la mère), Nana Kiakite (Nana), Makanfing Dabo (Makan).

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