No Such Thing
Hal Hartley
Sélection Officielle
Un Certain Regard

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Avec le synopsis, qui nous parle d’un monstre, et le premier plan, où l’on découvre ledit monstre, l’entreprise paraît scabreuse et on peut s’attendre au pire. On a tort. Un vrai monstre donc, vert, cornu, griffu, moche apparaît en gros plan, non sans rappeler certaines séries américaines pour ados attardés. Mais le monstre est vite affublé de caractéristiques toutes humaines : alcoolique, insomniaque, colérique… et misanthrope. Il trucide quiconque vient troubler sa retraite millénaire sur une île au large de la côte islandaise, rocailleuse et presque inaccessible (autant dire le trou du cul du monde). De là il observe, dégoûté, l’évolution de l’humanité depuis ses débuts. Allergique à l’homme, mais pourtant bien plus humain que ces humains qu’il hait, notre monstre va recevoir la visite de Béatrice, jeune fille naïve et candide, au service d’un grand journal américain, venue s’enquérir du sort de son petit ami, récemment victime du monstre. Ce dernier se lie pourtant d’amitié avec la jeune Béatrice (il lui accorde l’immense privilège de ne pas la dévorer) qui le ramène en Amérique après le marché suivant : si elle accepte de retrouver le seul savant capable de le tuer, le

monstre consent à passer à la télévision (et accessoirement, à ne plus manger d’humains). Il va alors tomber entre les griffes des vrais monstres, ceux engendrés par la société, et devenir un phénomène de foire.
Cette fable moderne et satirique, à la conception des plus originales, surprend ou séduit, et nous éloigne d’une certaine tendance actuelle au cynisme poussé à l’extrême et aux sarcasmes parfois gratuits. Si elle peut paraître au premier abord simpliste, elle pousse son propos jusqu’à l’absurde. Un propos universel et remarquablement renouvelé. Mention spéciale pour la charmante rédactrice en chef, obsédée par l’argent et l’audimat (on n’est pas loin des recettes de "Loft Story" et autres abominations du genre). Certes le manichéisme est ici inévitable, mais il est assumé et entre dans le cadre de la satire : si Béatrice est une candide altruiste et bienveillante, elle n’est jamais larmoyante, ne se laisse pas (trop) embobiner et nous épargne un portrait de vierge effarouchée en s’adonnant sans retenue aux joies du sexe. Quant à la fin, si elle laisse perplexe, ce n’est peut-être pas plus mal.

Laura Meyer


1h51 - USA - Scénario et dialogues : Hal Hartley - Images : Michael Spiller - Musique : Hal Hartley - Montage : Steve Hamilton - Décors : A'rni Pa'll Jo'Hannsson - Interprètes : Sarah Polley, robert John Burke, Helen Mirren, Julie Christie, Annika Peterson, Paul Lazar.

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