La Chambre du fils
La Stanza del figlio

Nanni Maretti
Sélection Officielle
Palme d'Or
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En 93, plus d'un ont déploré que le Journal intime de Nanni Moretti ne remporte la récompense suprême. Trop léger, sans doute, mais c'était justement le bonheur de ce film. Puis il y eut Aprile, puis Nanni a remisé son scooter et ses escapades. C'est entre ces deux films que Moretti a eu envie de parler de la douleur et de la réaction que provoque la mort d'un être cher, mais il a préféré mettre le sujet et sa gravité entre parenthèses, le temps que son (vrai) fils naisse et grandisse un peu.
Les Sermonti habitent à Ancône, petite ville d'Italie, et constituent une famille unie : Giovanni, le père, Paola, la mère, et leurs deux enfants adolescents, Irene et Andrea. Vie harmonieuse où Giovanni, psychanalyste, évacue tranquillement le stress que pourraient lui transmettre les dérives de ses patients en pratiquant le jogging. Et c'est précisément pour venir en aide à un patient qu'un certain dimanche, Giovanni ne pourra pas aller courir avec Andrea, comme prévu. Andrea ira donc faire de la plongée et n'en reviendra pas. Cette course-là est celle de l'affiche du film : celle qui n'a pas eu lieu, mais qui aurait dû. A la douleur extrême, à laquelle s'unissent Paola et Irene, se greffent pour Giovanni les sentiments de culpabilité, de rancœur vis-à-vis du patient dérangeant, l'incapacité à continuer d'aider les autres dans leurs souffrances, l'impossibilité de parler du drame, et même de l'écrire, et par-dessus tout une obsession effrénée de revenir en arrière et le refus d'accepter le destin.

C'est pourtant avec un rare réalisme qu'est filmée la scène de la chapelle ardente, où la dernière vis scellant le cercueil indique que tout est fini.
On découvre alors un Moretti qui, pour la première fois, laisse s'accomplir les sentiments. Et en lâchant la bride, son talent y gagne encore.
Il faut noter les trois scènes de course, celles qui ont eu lieu : la première est légère, la seconde un peu embarrassée par une histoire de vol au lycée, où Andrea serait impliqué ; lors de la troisième, le fils est mort, et Giovanni, allant au bout de ses forces, semble vouloir s'y détruire. Il y a aussi, avant le drame, ces petits événements qui arrivent à chacun des membres de la famille, signes presque imperceptibles mais précurseurs de trois vies qui vont basculer. Il y a enfin la scène finale de la plage, ailleurs, quelque part entre Vintimille et Menton, et ces trois survivants que, bien qu'amorçant des directions opposées, la caméra encercle : alors, la séparation entre Giovanni et Paola s'atténue et une famille semble pouvoir se recomposer, consciente pourtant qu'elle ne surmontera jamais l'insurmontable.

Marie-Jo Astic


1h39 - Italie - Scénario et dialogues : Linda Ferri, Nanni Moretti, Heidrun Schleef - Images : Giuseppe Lanci - Musique : Nicola Piovani - Montage : Esmeralda Calabria - Décors : Giancarlo Basili - Interprètes : Nanni Moretti, Laura Morante, Jasmine Trinca, Giuseppe Sanfelice, Silvio Orlando, Stefano Accorsi.

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