En avril 2000, en Ouganda, Abbas Kiarostami et son assistant, Seifollah Samadian, sollicités par une association humanitaire, le Fonds international de développement agricole, débarquent à Kampala. Pendant une dizaine de jours, ils découvrent de nombreux enfants ayant perdu leurs parents à cause du sida. Leur caméra témoigne d'une Afrique joyeuse malgré la souffrance et la maladie.
De la commande d'une ONG à vocation humanitaire, Abbas Kiarostami parvient à dégager un film personnel, en respectant le projet initial : montrer les effets dévastateurs du sida en Afrique, et en particulier sur les communautés villageoises ayant à charge de nombreux orphelins. Le FIDA développe l'esprit du micro-crédit, tout en voulant faire intérioriser les aptitudes à la gestion, le tout en favorisant l'esprit de la solidarité à travers une caisse gérée par des groupes de femmes. On se doutait que Kiarostami ne tomberait pas dans aucun des pièges possibles : ni celui du reportage télévisé factuel, ni celui du film militant plus ou moins roublard et ou ironique (le procédé aurait été facile avec un couple d'autrichiens bobos adoptant une fillette, et que le cinéaste a côtoyé à son hôtel), ni dans celui de l'objet esthétique larmoyant et affectif. |
Kiarostami réussit ainsi, pour son premier tournage hors de l'Iran, à s'adapter complètement à cet univers étranger et à créer une complicité avec les habitants, qui découvrent pour la première fois de leur existence la proximité d'une caméra...
Quant aux habitués du style de l'auteur du Goût de la cerise (Palme d'or au Festival de Cannes 1996), ils retrouveront cette combinaison de propos humaniste et de minimalisme dans la réalisation, à l'image de ces habituels travellings lors de déplacements en voiture.
Indispensable et modèle de cinéma néoréaliste et pédagogique, ABC Africa est l'un des sommets (pourtant méconnus) du plus grand cinéaste iranien et un témoignage non édifiant sur le développement humain.
Gérard Crespo
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