La Sélection officielle en compétition

Cette année 2009 semble miser sur les valeurs sûres du cinéma international. À l'exception de Isabel Coixet, Andrea Arnold, Brillante Mendoza, Xavier Giannoli, Gaspard Noé et Jacques Audiard, tous les cinéastes en compétition sont des figures historiques de Cannes ou des personnalités prestigieuses (Ang Lee) abonnées aux récompenses internationales.

Des anciens lauréats des Palmes d'or tenteront le doublon que réussirent, en leur temps, Francis Ford Coppola, Emir Kusturica, Shohei Imamura, Bille August, ou les Frères Dardenne (Rosetta, L'Enfant), qui présenteront une "Leçon de Cinéma" le mardi 19 mai. Pourrait ainsi rejoindre le club des doublement palmés Jane Campion dont la carrière s'est quelque peu essoufflée depuis le triomphe de La Leçon de piano. Le vétéran Ken Loach, Palme d'or avec Le Vent se lève, se trouve en compétition face à Quentin Tarantino, l'enfant terrible du cinéma américain (et par ailleurs Président du Jury qui couronna Fahrenheit 9/11), à qui Clint Eastwood attribua la récompense suprême en 1994 pour Pulp Fiction.

Habitué de Cannes, Pedro Almodovar (qui glâna divers Prix du scénario ou de la mise en scène), trouvera peut-être la consécration. C'est sans compter la présence de deux des plus anciens réalisateurs de l'histoire du cinéma : Alain Resnais, révélé par la Nouvelle vague dès la fin des années 50, a certes moins de prestige qu'à l'époque où il tournait L'Année dernière à Marienbad, Providence, Smoking/No smoking ou On connaît la chanson, mais son dernier opus marquera peut-être son grand retour ; Marco Bellochio, figure emblématique du cinéma italien de la contestation des années 60 et 70, a retrouvé tout son éclat dans les années 2000 après une longue traversée du désert.

Face à Michael Haneke, cinéaste culte dont chaque film est un micro-événement, et à Elia Suleiman, réalisateur palestinien qui est l'une des grandes révélations de cette décennie, des auteurs asiatiques en compétition confirment la vitalité de ce continent dans l'industrie et l'art du cinéma : Lou Ye, Park Chan-wook, Johnnie To et Tsai Ming-liang en sont les dignes représentants.

Sélection officielle hors compétition, séances spéciales et de minuit

Trois grands cinéastes monteront les marches hors compétition : l'espagnol Alejandro Amenabar (Agora), le malien Souleymane Cissé (Grand Prix en 1987 pour Yeelen) et auteur de Min Ye, ainsi que l'anglais Terry Gilliam, dont on peut regretter qu'il arpente peu la Croisette, en dépit du succès de Monty Python, le sens de la vie, en 1983. Le cinéma d'animation sera représenté par Là-haut, la dernière production des Studios Pixar projetée en ouverture. Michel Gondry, dont Human Nature fut sélectionné en 2001, a été choisi cette année pour un documentaire, L'Épine dans le cœur, tandis que Robert Guédiguian commémorera le génocide arménien dans L'Armée du crime et que Marina de Van (scénariste de Ozon et auteure de Dans ma peau) représentera (avec Sam Raimi) le cinéma bis en séance de minuit. Signalons aussi le retour de Karen Yedaya, Caméra d'or en 2004 avec Or/Mon trésor et qui présentera son dernier film, Jaffa.

Un certain regard

Outre les révélations qui ne manqueront pas de se dévoiler, cette section accueille des cinéastes confirmés dont certains ont un passé cannois. Après Thérèse (Prix du Jury en 1986), et Le Filmeur, Alain Cavalier présentera Irène. Pavel Lounguine, auteur de Taxi Blues (Prix de la mise en scène en 1990) et La Noce, sera en lice avec Le Tsar, biopic d'Ivan le Terrible, un demi-siècle après Eisenstein. Deux révélations cannoises seront remarquées : Bahman Ghobadi, Caméra d'or pour Un temps pour l'ivresse des chevaux, présentera On ne sait rien des chats persans en Ouverture, tandis que Hirokazu Kore-Eda (Nobody Knows, Sleep Walking), défendra Kuki Ningyo. Signalons enfin les présences de Denis Dercourt (Demain dès l'aube, après La Tourneuse de pages) et Mia Hansen-Love (Le Père de mes enfants, après Tout est pardonné).

La Quinzaine des réalisateurs

Contrairement à la Sélection officielle, les organisateurs ont plutôt joué la carte de la nouveauté. On attend cependant avec curiosité la projection de Tetro de Francis Ford Coppola, 30 ans après la Palme d'or attribuée à Apocalypse Now. Le coréen Hong Sang-soo, qui présenta à Cannes La Vierge mise à nu par ses prétendants ou La Femme est l'avenir de l'homme, montrera You Don't Even Know, tandis que l'austère Pedro Costa séduira quoi qu'il en soit sa cour d'admirateurs avec Ne change rien, co-production franco-portugaise au titre certainement prédestiné.

La Semaine internationale de la critique

Spécialisée dans les premiers et seconds films, cette section est un laboratoire de recherche duquel sortiront de futurs grands noms du cinéma mondial. C'est ce qu'on ne peut que souhaiter à Alejandro Fernandez Almendras, Vladmir Perisic, Caroline Strubbe, Mathias Gokalp, Nassim Amaouche, Alvaro Brechner, Shahram Alidi ou Gabe Ibanez. Des cinéastes que cotoieront les jeunes lycéens sélectionnés pour former le jury de la ''Toute jeune critique''. Souhaitons à ces jeunes plumes de retrouver l'enthousiasme et le talent d'écriture de Margot Lefranc, Edouard Madec, Auxence Moulin, Antoine Periot, Pauline Proffit, Arthur Roig et bien d'autres !

Les jurés et leur passé cannois

Isabelle Huppert est la Présidente du Jury de la 62e Sélection officielle du Festival de Cannes. L'actrice française, déjà membre du Jury à Cannes en 1984, a obtenu deux prix d'interprétation : pour Violette Nozière en 1978 et pour La Pianiste en 1991. D'autres actrices ont déjà présidé le Festival de Cannes : Arletty en 1956, Michèle Morgan en 1971, Ingrid Bergman en 1973, Jeanne Moreau en 1975 et 1995, Isabelle Adjani en 1997 et Liv Ullmann (par ailleurs réalisatrice) en 2001. Gageons qu'Isabelle, à la filmographie exemplaire, saura apporter de la rigueur et de l'audace au Palmarès.

Quatre autres comédiennes sont présentes dans le Jury, et ont déjà entretenu des liens plus ou moins étroits avec le Festival. Asia Argento, actrice italienne (fille de Dario) a tourné avec Abel Ferrara (Go Go Tales), Gus Van Sant (Last Days), Bertrand Bonello (De la guerre) et Catherine Breillat (Une vieille maîtresse) ; la taïwanaise Shu Qi, est l'égérie de Hou Hsia-hsien (Millenium Mambo) ; Robin Wright Penn donnait la réplique à son époux Sean Penn dans She's so Lovely, en 1997 ; quant à Sharmila Tagore, égérie de Bollywood et actrice fétiche de Satyajit Ray, elle avait présenté La Déesse en 1960.

Trois grands réalisateurs, révélés à Cannes, apporteront leur précieuse contribution : Nuri Bilge Ceylan est le meilleur cinéaste turc contemporain : Uzak obtint un double prix d'interprétation, Les Climats confirma son style et Les Trois singes remporta un prix de la mise en scène. James Gray est l'un des nouveaux auteurs culte du cinéma américain. Il repartit pourtant bredouille avec La Nuit nous appartient, superbe polar, et Two Lovers, poignant mélodrame. Lee Chang-dong est un maître du cinéma coréen, depuis Peppermint Candy et Oasis. Secret Sunshine obtint un Prix pour l'interprétation féminine. Signalons enfin la présence dans le Jury de l'écrivain Hanif Kureishi, qui fut le scénariste de My Son the Fanatic.

Le Jury de Un certain regard est présidé par Paolo Sorrentino, qui en quelques années a su se faire un nom sur la Croisette : bien plus que Les Conséquences de l'amour ou L'Ami de la famille, c'est Il Divo qui lui a apporté la consécration internationale. Il sera aux côtés de Julie Gayet, Piers Handling, Uma Da Cunha et Marit Kapla.

Le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages est présidé par le réalisateur John Boorman, prodigieux cinéaste visionnaire à qui on doit Délivrance et Le Général. Il sera assisté par les réalisateurs Bertrand Bonello (Le Pornographe, De la guerre) et Ferid Boughedir et par les actrices Leonor Silveira (Val Abraham) et Zhang Ziyi (Le Secret des poignards volants, 2046).

Le comédien et réalisateur Roschdy Zem présidera le Jury de la Caméra d'or, qui désignera le meilleur premier film, toutes sections confondues. Roscchy Zem avait été l'interprète de N'oublie pas que tu vas mourir, L'Autre côté de la mer, À vendre, Louise (Take 2), Indigènes (Prix d'interprétation) et La Californie. Siègeront avec lui Diane Baratier, Olivier Chiavassa, Sandrine Ray, Charles Tesson et Edouard Waintrop.

Le Pavillon Les Cinémas du Monde est placé sous la parrainage de Juliette Binoche et Abderrhamane Sissako. L'actrice française, révélée en 1985 par Rendez-vous, avait été remarquée à Cannes dans les films de Michael Haneke Code inconnu et Caché, mais aussi dans Le Voyage du ballon rouge. Le cinéaste africain, révélé à la Quinzaine des réalisateurs par La Vie sur terre, connaîtra la consécration internationale avec Bamako.

Enfin, La Sélection Cannes Classics est placée sous la présidence d'honneur de Martin Scorsese, qui obtint la Palme d'or en 1976 avec Taxi Driver. Cette section désormais incontournable, qui permit l'an passé de découvrir en avant-première mondiale la copie restaurée de Lola Montès, propose les films suivants :

Accident de Joseph Losey (1967- Grande-Bretagne) - version restaurée

L'Avventura de Michelangelo Antonioni (1960- Italie) - copie neuve

A Brighter Summer Day de Edward Yang (1991- Taiwan) - version longue

Ces messieurs dames (Signore et signori) de Pietro Germi (1966- Italie) - version restaurée

Les Chaussons rouges (The Red Shoes) de Michael Powell (1948- Grande-Bretagne) - version restaurée

Dieu ne croit plus en nous (Ans uns glaubt Gott nicht mehr) de Axel Corti (1982- Autriche) - version restaurée

Don Giovanni de Joseph Losey (1979- Italie) - copie neuve

L'Enfer de Henri-Georges Clouzot (1964- France) - version recomposée

Il était une fois... la révolution (Giu la Testa) de Sergio Leone (1971- Italie) - version restaurée

Loin du Vietnam de Jean-Luc Godard, Joris Ivens, Claude Lelouch, William Klein, Chris Marker, Alain Resnais, Agnès Varda (1967- France)

La Momie (Al-Momia) de Shadi Abdel Salam (1969- Egypte)

Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard (1965- France) - version restaurée

Prince Yeonsan de Shing Sang-ok (Corée, 1961) - version restaurée

Redes de Emilio Gomez Muriel et Fred Zinnemann (1936- Mexique)

Réveil dans la terreur (Wake in Fright) de Ted Kotcheff (1971- Australie)

Senso de Luchino Visconti (1954- Italie) - version restaurée

Traitre sur commande (The Molly Maguires) de Martin Ritt (1970- Etats-Unis) - version restaurée

Victime (Victim) de Basil Dearden (1961- Grande-Bretagne) - copie neuve

Les Yeux sans visage de Georges Franju (1960- France) - version restaurée

Il faut ajouter à cette programmation deux documentaires sur le cinéma : Les Deux de la vague de Antoine de Baecque et Emmanuel Laurent et Pietro Germi, il bravo, il bello, il cattivo de Giuseppe Rotunno.

Bon Festival !

Gérard Crespo

 


 

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