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Festival de Cannes Quinzaine des réalisateurs semaine de la critique

BILAN CANNES 2015

Le Festival de Cannes 2015 s'est achevé avec un palmarès discutable, sans doute le fruit de débats et compromis difficiles, comme c'est souvent le cas. La Palme d'or de la 68e édition a été attribuée à Dheepan de Jacques Audiard, et les deux autres Prix prestigieux ont récompensé Laszlo Nemes et Hou Hsia-hsien. Michel Franco et Yorgos Lanthimos ont également été honorés.

C'est donc Jacques Audiard qui a obtenu la Palme, six ans après le Grand Prix attribué à Un prophète. Le film est fort, bien écrit, et comporte des séquences policières prenantes. Pour autant, des invraisemblances et maladresses empêchent une adhésion totale. Le Fils de Saul, premier long métrage de Lazslo Nemes, qui a obtenu le Grand Prix, aurait été une Palme bien plus audacieuse, dans la lignée de Winter Sleep l'an dernier. Cette œuvre magistrale sur les camps a été, de loin, le plus grand choc du Festival. Esthète doué, le vétéran Hou Hsiao-hsien est le lauréat du Prix de la mise en scène pour The Assassin, quand la relève semble assurée avec Michel Franco, Prix du scénario pour le touchant Chronic, et Yorgos Lanthimos, Prix du Jury pour le remarquable The Lobster. Les palmarès se suivent et chaque année un film très apprécié est oublié. Il s'agit en 2015 de Mia Madre de Nanni Moretti, qui pourra toutefois se consoler avec le Prix œcuménique décerné par un autre Jury. Et si l'on se réjouit du Prix d'interprétation masculine attribué à Vincent Lindon pour La Loi du marché de Stéphane Brizé, on reste stupéfait devant l'aberration du double Prix d'interprétation féminine. Rooney Mara est certes parfaite dans Carol mais le rôle principal est tenu par Cate Blanchett, sublime. Et quitte à donner un double prix, ce sont les deux comédiennes de ce film de Todd Haynes qui auraient dû être honorées. Le Jury a donc préféré primer une autre actrice, et le choix s'est porté sur Emmanuelle Bercot, hystérique dans l'agaçant Mon roi. C'est d'autant plus incongru que Bercot est par ailleurs une très bonne réalisatrice dont le dernier film, La Tête haute, a été présenté en ouverture, et hors-compétition, alors qu'il est bien supérieur aux œuvres de Maïwenn, Valérie Donzelli ou Guillaume Nicloux.

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En dehors de la compétition, ont notamment été remarqués Un homme irrationnel de Woody Allen ou, dans la section Un Certain Regard, le très beau Cemetery of Splendor d'Apichatpong Weerasethakul. Quant aux sections parallèles, elles ont mis en lumière aussi bien des cinéastes confirmés (Arnaud Desplechin pour Trois souvenirs de ma jeunesse à la Quinzaine), que de jeunes auteurs prometteurs (Clément Cogitore pour Ni le ciel ni la terre à la Semaine de la Critique), ou des artistes trop méconnus (Philippe Hernandez dans le désopilant Cosmodrama à ACID). Pour ce qui est de la constante thématique de l'édition 2015, on a entendu que la mort et le deuil étaient récurrents. C'est particulièrement vrai pour certains des films que l'on vient d'évoquer mais aussi The Sea of Trees, un Gus Van Sant mineur mais qui ne méritait pas ses huées, Plus fort que les bombes, Mountains May Depart et Youth, qui auraient eu leur place au palmarès et, au Certain Regard, An de Naomi Kawase et Vers l'autre rive de Kyoshi Kurosawa. On a également entendu et lu bien des polémiques stériles, de la surreprésentation supposée du cinéma français à la sempiternelle rengaine sur le manque de nouveaux auteurs. La vitalité des cinémas asiatique et sud-américain à Cannes, la Caméra d'or attribuée à La Terre et l'ombre ou la présence de jeunes réalisateurs de talent comme Grimur Hakonarson (Prix Un Certain Regard pour Béliers) ou Santiago Mitre (Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique pour Paulina), prouvent le contraire, même si ces artistes étaient en marge de la compétition. Et le Festival de Cannes restera le lieu de tous les contrastes sur les écrans de cinéma, de Tom Hardy déchaîné dans le très médiatisé et contemporain Mad Max : Fury Road, à Viviane Romance vampant Michel Simon dans Panique, présenté dans une copie restaurée à Cannes Classics...

Gérard Crespo