La fin du voyage

Après Madame Jacques sur la Croisette, un court métrage très remarqué, Emmanuel Finkiel réalise avec Voyages son premier long métrage. Le film est construit en triptyque autour de trois vieilles femmes juives en quête de leur passé, de leur trois familles disloquées par la Shoah, et de trois lieux, la Pologne, Paris, Tel Aviv. Riwka, au cours d'une excursion en bus, tombe en panne en rase campagne entre Varsovie et Auschwitz. Elle se retrouve face à elle-même et à sa mémoire éparse. Régine, qui vit à Paris, reçoit un coup de téléphone de son père qu'elle croyait décédé. Ce fantôme débarque chez elle.

C'est l'occasion de retrouvailles artificielles, improbables, auxquelles personne ne croit. Véra, émigrante russe, arrive à Tel Aviv où elle recherche une cousine. Elle confronte le mythe de la Terre Promise à la réalité de l'état d'Israël contemporain. A travers le portrait croisé de ces trois personnages rescapés de familles éclatées, que seul réunit le Yiddish, Emmanuel Finkiel réalise un film émouvant et juste, où la qualité du scénario rejoint celle de la mise en scène. Le choix d'acteurs non professionnels ajoute une note documentaire à l'ensemble.

Le spectateur ne peut qu'être ému par la prestation d'Esther Gorintin (Véra), une débutante de quatre-vingt-cinq ans, dont la justesse, l'intelligence et la sensibilité de l'interprétation soulignent la pathétique impossibilité de renouer le lien entre toutes ces personnes à l'enfance sacrifiée. On se cherche, on se manque, on se croise, on se retrouve. Rien n'est sûr hors quelques photos jaunies. Une rencontre avec des rescapés improbables, des ombres en quête de leurs racines.

Virginie Rocchia

1h55 - scénario : Emmanuel Finkiel - images : Hans Meyer, Jean-Claude Larrieu - son : Pierre Gamet, François Waledisch - montage : Emmanuelle Castro - interprètes : Shulamit Adar, Liliane Rovère, Esther Gorinthin...