Pas de lettre pour le Colonel

d 'Arturo Ripstein
Sélection Officielle

Un fils mort, un coq fatigué, et toujours pas de lettre

 

En adaptant le récit de Gabriel Garcia Marquèz, Arturo Ripstein a pris une suite de risques... Il était en effet audacieux de transposer Pas de lettre pour le colonel (1961), qui n'est qu'une infime partie de l'oeuvre du romancier. Elle forme avec Cent ans de solitude (1967), Chronique d'une mort annoncée (1981) et d'autres textes, une saga forte, à la fois réaliste et allégorique de l'Amérique latine. Dans le film, tourné au Mexique dans la région natale de Ripstein, seul l'aspect réaliste est manifeste. Un colonel des tropiques, vétéran des guerres fédéralistes, ruiné parce qu'oublié par l'état depuis plus de vingt ans, se meurt à petit feu, espérant encore son hypothétique pension. Avec sa femme, Lola (Marisa Paredes), il vit un quotidien sinistre, renforcé par le deuil de leur fils unique.

C'est ce réalisme-là que Ripstein triture trop longuement dans son film. L'image cependant sert à merveille ce déclin : plan rapproché sur les visages ridés et les silhouettes affaissées qui évoluent dans un intérieur délabré ; la lumière, dans tous les plans, est blafarde, sauf lorsqu'on suit le colonel dans sa sortie du vendredi, au débarcadère, pour y attendre vainement "sa" lettre, dans une clarté éblouissante. On est loin de la magie des mots de Garcia Marquèz dont chacun des personnages, face à son destin, est à lui seul une histoire riche et complexe. Marisa Paredes est éteinte et à l'étroit dans le rôle alors que sa fougue, son lyrisme et ses pleurs - qui explosent chez Almodovar !- auraient magnifiquement servi Lola.

Après cette adaptation terne -mise en scène alanguie et direction d'acteurs décevante- Ripstein, qui nous a habitués à beaucoup mieux (Carmin profond), peut-il encore nous surprendre ?

Nicolas Fine

2h - No One Writes to the Colonel (International: English title) - Titre original : El Coronel no tiene quien le escriba - scénario & dialogues : Paz-Alicia Garciadiego - images : Guillermo Granillo - décor : Antonio Munohierro - musique : David Mansfield - montage : Fernando Pardo - interprètes : Marisa Paredes, Fernando Lujan, Salma Hayek... Sortie : juin 99.

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