Tribulations helvètes

Chronique d'un coup d'état annoncé Daniel Schmid (Jenatsch) est un réalisateur trop rare au cinéma. Passionné d'histoire, il a aussi un sens aigu de la dérision. Sur le mode de la fable, il nous conte le récit d'un coup d'état en... Suisse, avec comme chef d'orchestre, une call girl russe plutôt naïve, Irina, alias Elena Panova, la grande révélation de la Quinzaine cannoise. Irina, égérie de l'écurie de Charlotte De (Géraldine Chaplin), dispose d'une clientèle huppée aux fantasmes variés. Belle, dévouée, innocente, attentive, elle est la confidente, la putain de l'état suisse. Dans sa lointaine Russie, sa tribu suit ses tribulations qui ressemblent à un conte de fées.

Son admirateur le plus fervent est un divisionnaire Sturzenegger, un pourfendeur de communistes qui avait mis en place une organisation parallèle pour prendre le pouvoir le cas échéant. Par inadvertance, un soir de cafard, notre belle Russe va déclencher le plan Cobra et mettre la Suisse sous coupe réglée... L'esprit de la "Beresina" consiste à toujours résister ; cette nolonté s'exprime dans une neutralité de façade, le pays étant totalement excavé. Schmid introduit dans son scénario une affaire Tedeschi qui ressemble à s'y méprendre à notre Stavinsky ; son film a un goût suranné du meilleur cru et sa conclusion en forme de boutade nous renvoie dans un autre espace temps presque nostalgique.

Il veut croire qu'il y a toujours une justice pour les hypocrites malfaisants et que l'innocence a le droit de triompher. Nous aimerions pouvoir le croire ne serait-ce que pour se noyer un instant dans le regard candide d'Elena Panova, des yeux qui vous rendent meilleurs, plus beaux et plus forts. Une femme disponible, aimable, à l'écoute, soumise, tout le contraire des portraits cannois de femmes dominatrices, face à des hommes démissionnaires. Beresina, un film d'un autre temps, un temps dont nous aimerions penser qu'il reviendra un jour.

Pascal Gaymard