Les Filles du soleil
de Eva Husson
Sélection officielle
En compétition








La cata à l’attaque

Quelque part au Kurdistan. Bahar (Golshiftey Farahani), commandante des Filles du soleil, un bataillon composé de femmes soldates kurdes, est sur le point de reprendre la ville de Gordyene, où elle avait été capturée par les extrémistes. Mathilde (Emmanuelle Bercot), journaliste française, couvre les trois premiers jours de l’offensive. À travers la rencontre de ces deux femmes, on retrace le parcours de Bahar depuis que les hommes en noir ont fait irruption dans sa vie… Eva Husson avait réalisé Bang Gang (une histoire d’amour moderne), qui explorait les zones les plus sombres de la sexualité adolescente. Elle opère un virage à 180 degrés avec le récit de l’un de ces bataillons de femmes kurdes qui ont aidé à bouter Daesh hors de la Syrie. Le sujet avait déjà été abordé dans le très bon documentaire Encerclé par l’État islamique diffusé sur Arte et réalisé par Xavier Muntz. Dans un entretien avec ce dernier publié dans le dossier de presse, Eva Husson précise : « En tant que petite-fille de soldat républicain espagnol, je me suis beaucoup intéressée à la question de la chute des idéaux ». Nous ne douterons donc pas une seconde de ses bonnes intentions… Le problème est que Les Filles du soleil est un bien mauvais film. L’œuvre est d’abord desservie par des invraisemblances grossières, en dépit de la caution d’authenticité, et des dialogues d’un ridicule insondable : s’exprimant dans un français impeccable, Bahar déclare avoir étudié le droit à Paris, quand Mathilde lui promet de lui envoyer prochainement son article, comme s’il s’agissait d’un souvenir de vacances. Féministe, Les Filles du soleil ? Pas le moins du monde.

En dépit de sa formation juridique, Bahar n’éprouve aucune conscience politique et ne prend les armes que suite à la douleur d’avoir perdu son mari et sa sœur et dans l’espoir de retrouver son fils, l’instinct maternel guidant ses actions. Quant à la construction du récit, elle se déroule par l’utilisation de flash-back lourdingues qui voient la cinéaste se complaire dans une violence qu’elle souhaite pourtant dénoncer. Mais le pire est l’inutilité du personnage de la journaliste (inspiré de la reporter de guerre blessée Marie Calvin), qui incarne dans le film la bonne conscience occidentale, et que l’interprétation catastrophique d’Emmanuelle Bercot (encore plus mauvaise que dans Mon Roi) rend encore plus insupportable. L’œuvre s’achève par un long monologue emphatique, larmoyant et moralisateur, qui donne le coup de grâce à ce produit militariste et misérabiliste. Que les sélectionneurs du Festival de Cannes aient voulu augmenter le quota de réalisatrices dans une édition dédiée aux femmes n’est pas en soi une mauvaise chose : la présence d’Alice Rohrwacher, auteure du sublime Heureux comme Lazzaro, en est la preuve évidente. Mais qu’au nom du politiquement correct (qui glisse vers l’incorrect) on ait infligé aux festivaliers les pensums de Mesdames Labaki (Capharnaüm) et Husson est un réel problème : le cinéma ne sort pas grandi de ce chantage au sentiment et à l’air du temps.

Gérard Crespo



 

 


2h - France - Scénario : Eva HUSSON - Interprétation : Golshifteh FARAHANI, Emmanuelle BERCOT, Erol AFSIN, Behi DJANATI ATAI.

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