Week-end à Zuydcoote
de Henri Verneuil
Sélection officielle
Cannes Classics

Cinéma de la Plage






Des dunes et des hommes

Dunkerque, juin 1940. Ses camarades et lui ayant raté l'embarquement pour l'Angleterre au plus fort de la débâcle, le sergent Julien Maillat (Jean-Paul Belmondo), dégoûté et las, rencontre Jeanne (Catherine Spaak), une jeune femme qui refuse de quitter sa maison en ruines. Julien persuade Jeanne de fuir avec lui et dit adieu à ses amis. Une improbable idylle se noue bientôt entre eux… Produit par Robert et Raymond Hakim, le film est l’adaptation du roman à succès de Robert Merle, Prix Goncourt 1949, et largement autobiographique. L’écrivain a d’ailleurs contribué au scénario, ce qui n’est pas le moindre atout de l’œuvre. Disposant d’un budget confortable, comparativement aux productions d’une Nouvelle Vague alors au sommet, Week-end à Zuydcoote a pour commandant de bord Henri Verneuil. Cinéaste traditionnel qui a abordé tous les genres, ce dernier était capable du meilleur (le drame Des gens sans importance, avec Gabin) comme du pire (la comédie Les Morfalous, avec Bébel). Le présent film est plutôt une bonne surprise, en dépit d’une facture assez académique. Il faut dire que le cinéma de guerre nous a habitués à des prouesses visuelles et techniques et à une richesse thématique que l’on ne trouve que par intermittence ici. Des Sentiers de la gloire de Kubrick à La Ligne rouge de Malick en passant par Apocalypse Now de Coppola, le spectateur s’est en effet confronté à des œuvres plus ambitieuses ; et sur une trame narrative similaire (la débâcle des troupes françaises et britanniques en 1940), le récent Dunkerque de Christopher Nolan en imposait beaucoup plus. Et pourtant, Week-end à Zuydcoote mérite le détour : outre la bonne tenue de la photo du vétéran Henri Decae, la puissance de la musique de Maurice Jarre, et la qualité de jeu d’un Jean-Paul Belmondo dosant avec subtilité retenue et gouaille, le film dépasse les conventions du cinéma commercial de l’époque pour proposer une vision de la Seconde Guerre mondiale en avance sur son temps.

Ainsi en est-il du choix de la couleur qui tranchait alors avec les images noir et blanc pour toute évocation du conflit. Mais surtout,  la caractérisation des personnages est atypique : nul lyrisme patriotique et héroïque (ce que même Nolan n’évitera pas), et une approche originale du comportement des hommes que côtoie Maillat : le prêtre combattant (Jean-Pierre Marielle) ne donne pas dans le sermon ou la bondieuserie, son pragmatisme et sa solidarité le rapprochent d’un prêtre-ouvrier ; l’opportuniste Dhéry (Pierre Mondy), qui achète les médecins et anticipe déjà un commerce florissant avec l’occupant, suggère l’évidence de la collaboration, thème encore tabou dans la France des années 60 ; quant au brave fusilier mitrailleur Pinot (Georges Géret), qui participe au combat comme à un jeu vidéo, et manifeste une xénophobie anti-allemand sans une once de compassion pour un parachutiste exécuté par sa faute, il incarne toute la noirceur de l’âme humaine. Noirceur à laquelle céderont avec plus de sauvagerie deux soldats français n’hésitant pas à violer une compatriote pour assouvir leurs désirs. Sans aller jusqu’à l’humanisme du Renoir de La Grande illusion ou l’antimilitarisme de Kubrick, Verneuil et Merle montrent bien l’absurdité des conflits armés et les dérives qu’ils engendrent ; le ton désabusé du récit contraste avec la dignité héroïque d’un certain cinéma de la Résistance incarné par des films aussi divers que Marie-Octobre de Julien Duvivier, Le Jour et l’heure de René Clément ou L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville. Il n’est pas superflu d’ajouter que le film se savoure aussi pour ses succulents seconds rôles : de Bernard Musson et Paul Vernier en croque-morts peu recommandables à Christian Barbier en horrible soudard, en passant par Marie Dubois en jeune mariée s’incrustant dans l’équipage, le casting est au diapason. Au final, Week-end à Zuydcoote est sans doute un film mineur mais qui ne démérite pas.

Gérard Crespo



 

 


1964 - 1h59 - France, Italie - Scénario : François BOYER, Robert MERLE, d'après le roman de Robert Merle - Interprétation : Jean-Paul BELMONDO, Catherine SPAAK, Georges GÉRET, Jean-Pierre MARIELLE, Pierre MONDY, Marie DUBOIS, Jean-Paul ROUSSILLON, Albert RÉMY, Gérard DARRIEU, Christian BARBIER, François GUÉRIN, Pierre VERNIER, Michel BARBEY, Dominique ZARDI, Kenneth HAIGH, Nigel STOCK, Donald O'BRIEN, Bernard MUSSON, Marie-France MIGNAL, Paul PRÉBOIST, François PÉRIER.

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