L'Intrusa
de Leonardo Di Costanzo
Quinzaine des Réalisateurs









The God in Mister Jones

Naples, aujourd’hui. Giovanna, travailleuse sociale combative de soixante ans, fait face à une criminalité omniprésente. Elle gère un centre qui s’occupe d’enfants défavorisés et offre ainsi une alternative à la domination mafieuse de la ville. Un jour, l’épouse d’un criminel impitoyable de la Camorra, la jeune Maria, en fuite avec ses deux enfants, se réfugie dans ce centre. Lorsqu’elle lui demande sa protection, Giovanna se retrouve confrontée, telle une Antigone moderne, à un dilemme moral qui menace de détruire son travail et sa vie… Relectures du néoréalisme : entre tradition et modernité, fidélité aux maîtres fondateurs et renouvellement du courant, le cinéma italien a récemment offert de bien jolies pépites, dont A Ciambra de Jonas Carpignano, qui représente la tendance la plus novatrice. Plus modeste en apparence, L’Intrusa n’en reste pas moins un bel objet de cinéma, sobre et cohérent, loin de l’esbroufe de Fortunata de Sergio Castellito, et plus proche de la veine naturaliste de Il Figlio (Manuel) de Dario Albertini, prochainement sur les écrans. Leonardo Di Costanzo s’était fait connaître par des documentaires ainsi que L’Intervallo (2002), huis clos axé sur des adolescents dans le Naples populaire actuel. L’Intrusa reprend le même dispositif, l’association de Giovanna constituant l’unité de lieu d’un drame minimaliste mais au cœur d’un véritable enjeu de scénario.


Comment rester fidèle à ses idéaux face à la pression sociale et au déterminisme ? Giovanna frappe par son intégrité parfaite, loin de l’opportunisme de maintes dames patronnesses et des experts en communication de l’économie solidaire. Le portrait de cette femme engagée ne tombe cependant jamais dans la démonstration édifiante et a de forts accents de tragédie grecque, l’obstination de Giovanna créant de véritables tensions. Filmée hors champ, la violence de la camorra n’en est que plus présente, et il suffit d’un rien (l’arrivée d’une automobile dont sortent deux femmes peu bienveillantes) pour distiller une atmosphère oppressante. Le faible budget manifestement attribué au cinéaste est ici source d’épure en cohérence avec sa démarche. « C’est une histoire qui raconte la difficulté à trouver la juste mesure entre la peur et l’acceptation, la tolérance et la fermeté », a déclaré Leonardo Di Costanzo : son film force le respect, et culmine avec les scènes dans lesquelles les enfants construisent « Mister Jones », une marionnette géante actionnée avec des pièces détachées de bicyclette. Bien porté par l’actrice Raffaella Giordano, surtout connue comme danseuse, chorégraphe et enseignante, L’Intrusa mérite amplement le détour, malgré un dénouement un brin conventionnel.

Gérard Crespo



 

 


1h35 - Italie - Scénario : Leonardo DI COSTANZO, Maurizio BRAUCCI, Bruno OLIVIERO - Interprétation : Raffaella GIORDANO, Valentina VANNINO.

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