La Ballade de Narayama
Narayama Bushikô
de Shohei Imamura
Sélection officielle
Cannes Classics






Sur les hauteurs de Shinshu

Une présentation de Toei (Japon). Scan 4K, restauration image ARRISCAN et son Golden Eye en 2K à partir du négatif 35mm original, d’un contretype et de bandes vidéo.

Les nouvelles de Shichirô Fukkazawa avaient déjà été portées à l’écran en 1958 par Keisuke Kinoshita, mais c’est la version de Shohei Imamura que l’histoire du cinéma a davantage retenue. Le récit est basé sur une prétendue coutume japonaise selon laquelle les habitants arrivant à l’âge de soixante-dix ans devaient volontairement partir mourir au sommet de « la montagne des chênes », assistés par leur fils aîné. Ori-Yan est l’autoritaire matriarche d’une famille dans un village pauvre et isolé du Japon de 1860. Sentant son heure venir, et ne voulant pas être une charge pour les siens, elle prépare son départ pour le lieu où se rassemblent les âmes des morts. Elle souhaite à cet effet trouver une épouse pour son Tatsuhei, son aîné, un veuf qui élève trois enfants, et régler d’autres problèmes de famille et de voisinage, qui portent notamment sur le pillage de réserves alimentaires par une belle-famille indélicate. Les deux premiers tiers du film se déroulent dans le village et Imamura se veut ici le peintre féroce de la société traditionnelle japonaise : il n’est en effet question que de sacrifice, rancœurs et représailles envers ceux qui s’écartent des règles de la communauté. Les rapports conjugaux et parentaux sont montrés avec acuité mais sécheresse, le réalisateur usant d’échappées oniriques pour casser le ton naturaliste : des ralentis discrets mais récurrents donnent un caractère décalé à la narration.

Comme à son habitude, Imamura sonde l’espèce humaine sans chercher à édulcorer, traquant les instincts dans leurs aspects les plus ordinaires, animaliers, triviaux ou inavouables : le besoin de nourriture, la copulation, mais aussi l’infanticide, le parricide et autres crimes font l’objets de plans brefs, et l’auteur se permet d’incruster des images de reptiles qui mangent des grenouilles, ou de mantes religieuses leurs mâles. Comme si un regard d’entomologiste était élargi à l’ensemble du microcosme rural observé. Il faut aussi souligner le travail remarquable de trois directeurs de la photo dont Shigeru Komatusubara, qui restera fidèle au cinéaste avec L’Anguille, Kanzo sensei et De l’eau tiède sous un pont rouge. Ses compositions picturales contribuent à magnifier la montagne de Narayama, sur laquelle Tatsuhei, portant sa mère sur le dos, la conduira sur la voie de l’ultime délivrance. Cette dernière partie du film est la seule où une émotion commence à surgir. La sérénité mystique qui imprègne l’écran n’empêche pas le cinéaste d’offrir des images semblant sortir d’un film d’horreur : le lieu de repos et de recueillement est aussi celui où des vautours s’attaquent aux cadavres en décomposition de vieillards en paix avec eux-mêmes… Palme d’or au Festival de Cannes en 1983, La Ballade de Narayama devait consacrer un auteur important du cinéma japonais, et élargir son audience.

Gérard Crespo



 

 


1983 - 2h13 - Japon - Scénario : Shohei IMAMURA, d'après les nouvelles "Tohoku no Zummutachi" et "Étude à propos des chansons de Naryama" de Shichirô Fukazawa - Interprétation : Ken OGATA, Sumiko SAKAMOTO, Aki TAKEJO, Tonpei HIDARI.

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