Avant la fin de l'été
de Maryam Goormahtigh
Acid






Conte d’été

On est tenté de mettre en parallèle le premier long métrage de Maryam Goormahtigh avec Visages, villages, l'œuvre d’Agnès Varda et JR. Comme ses aînés, la jeune cinéaste a opté pour un documentaire sillonnant les routes de France, avec une prédilection pour les petits villages authentiques ou ses bords de mer peu fréquentés. D’aucuns, à commencer par la réalisatrice, font aussi le rapprochement avec les road movies ruraux de Raymond Depardon (Journal de France). Mais il ne s’agit pas ici de partir explicitement à la rencontre d’autochtones aux quatre coins de l'Hexagone. D’origine iranienne, Maryam Goormahtigh a été formée à l’Institut National Supérieur des Arts du Spectacle et des Techniques de Diffusion (INSAS), à Bruxelles, après des études de musicologie et d’histoire et esthétique du cinéma à Lausanne. Elle a souhaité filmer trois amis installés à Paris, Arash, Ashkan et Hossein. Les trois trentenaires sont iraniens. Arash, qui a terminé un cursus universitaire, souhaite repartir en Iran. Ses deux potes vont tenter de l’en dissuader en organisant une balade dans la « France profonde ». Le film surfe sur la vague désormais prolifique du « documenteur », le reportage qui défile sous nos yeux mêlant témoignages ethnologiques et scénario semi-improvisé. Le ton est léger et les baignades dans un lac, commentaires à l’appui sur la tenue des estivants, ou la drague avec deux jeunes auto-stoppeuses musiciennes rencontrées dans un camping, nimbent le film d’une fraîcheur qui n’est pas sans évoquer les fictions de Jacques Rozier (Du côté d’Oroüet), Alain Cavalier (Le Plein de super), Jean Eustache (Mes petites amoureuses), ou le Rohmer du Rayon vert.

Le film prend une tournure plus grave lorsqu’il évoque le surendettement de l’un des protagonistes, l’obésité contrainte de l’autre et, leitmotiv de cette semi-fiction, le partage entre le mal du pays et le désir d’assumer pleinement son libre arbitre dans un territoire d’accueil. Loin des discours larmoyants ou didactiques qui auraient pu entacher le récit, Avant la fin de l’été est d’une délicatesse et d’un humanisme non feint, salutaire en ces temps de xénophobie ambiante, permettant une réelle connivence avec les protagonistes et la démarche de la réalisatrice. Elle a déclaré : « Mon but n’était pas de réaliser un film-sujet. Le désir de cinéma pour moi ne vient pas d’un sujet à traiter mais d’ailleurs. Il se trouve que j’ai eu le coup de foudre pour trois hommes que je trouvais être des personnages de comédie, et qui par ailleurs étaient travaillés par des problématiques graves que connaît toute personne déplacée. Plus que parler de migration, le film parle avant tout de l’amitié et de l’entre-deux dans lequel se situent Arash, Ashkan et Hossein quelque part au milieu d’un long processus d’adaptation ». Ce projet à la fois modeste et ambitieux honore Maryam Goormahtigh, même si un sentiment de déjà-vu plane parfois sur ce joli « film de festival ».

Gérard Crespo



 

 


1h20 - France, Suisse - Documentaire - Production : 4 A 4 PRODUCTION, INTERMEZZO FILMS.

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