Police Fédérale, Los Angeles
To Live and Die in L.A.
de William Friedkin
Sélection officielle
Cannes Classics







«  Tu crois que les étoiles sont les yeux de Dieu ? »

Après les échecs commerciaux de Sorcerer et Cruising, William Friedkin a connu une traversée du désert, suscitant la méfiance des producteurs et la condescendance de la critique internationale, qui ne reconnaissait à l’auteur de French Connection et L’Exorciste qu’un talent artisanal mineur. L’accueil réservé à Police fédérale, Los Angeles, pourtant prix du public au Festival de Cognac en 1986, fut ainsi assez tiède, le cinéaste s’étant vu reprocher un clinquant et un art de l’esbroufe. Le temps a ensuite donné de la patine à ce polar insolite qui est l’une des meilleures réussites du genre. Adapté d’un roman de Gerald Petrievich, qui a collaboré au scénario, le film joue sur le thème de la dualité et des frontières floues entre le bien et le mal. De même que La Soif du mal révélait le contraste entre les méthodes des flics campés par Charlton Heston et Orson Welles, To Live and Die in L.A. (titre original plus adapté) met en avant deux policiers aux personnalités opposées par leur conception de la justice et de l’ordre moral. Richard Chance (William Petersen, que l’on retrouvera dans Le Sixième Sens de Michael Mann) sera prêt à voler une somme d’argent conséquente pour confondre le faux-monnayeur assassin (Willem Dafoe, illuminé comme à son habitude), quand son acolyte (John Pankow) utilise des moyens strictement légaux, encore qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Mais on ne saurait limiter l’intérêt du film à cet aspect. Thriller haletant, l’œuvre repousse les limites de ce que l’on pouvait montrer de la violence à l’écran, et sa construction complexe s’avère assez jouissive. Plus qu’un Starsky et Hutch déjanté et trash (ce que pourrait laisser penser une partition musicale très eighties qui est sans doute le seul élément à avoir vieilli), le film apparaît novateur à plusieurs niveaux.

Ainsi, aucune identification aux personnages n’est possible, tant leur froideur et le souci de satisfaire leur propre intérêt sont manifestes. Leurs troubles sont représentés par plusieurs symboles, à l’image de ce saut à l’élastique, passe-temps favori de Chance, dont l’obsession à traquer Masters s’apparente à un saut dans le vide. Et la caractérisation des protagonistes est souvent en trompe-l’œil : il en est ainsi de Masters, présenté comme une brute épaisse, mais qui est à ses heures un esthète amateur de peinture, tout en brûlant certaines des toiles qu’il vient de réaliser… La mise en scène est en adéquation avec l’ambiance du récit, Friedkin filmant avec détachement des actions brutales et soudaines, comme la mort inattendue de figures centrales (procédé certes déjà utilisé par Hitchcock dans Psychose). Quant à la séquence de bravoure (une course-poursuite techniquement impressionnante), elle est en adéquation avec le sentiment de folie vengeresse et de paranoïa qui submerge notre anti-héros. Au-delà du mérite de Friedkin, il faut souligner le remarquable travail de directeur de la photo de Robby Müller, collaborateur de Wenders, Jarmusch et autres pointures du cinéma, dont les couleurs rutilantes, loin d’être criardes, sont en harmonie avec la fougue qui traverse Chance, Masters et les autres. Et outre les acteurs mentionnés, on peut saluer la prestation de John Turturro en second couteau tenace et Dean Stockwell en avocat ambigu.

Gérard Crespo



 

 


1985 - 1h56 - États-Unis - Scénario : William FRIEDKIN, Gerald PETIVICH - Interprétation : William L. PETERSEN, Willem DAFOE, John PANKOW, Debra FEUER, John TURTURRO, Darlanne FLUEGEL, Dean STOCKWELL.

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