Paulina
La Patota
de Santiago Mitre
Semaine de la Critique
Grand Prix Nespresso
Prix FIPRESCI


Sortie en salle : 13 avril 2016




Qui est Paulina ?

Alors que son père – un juge haut placé – la destinait à une carrière d’avocate, Paulina, 28 ans, décide de se consacrer exclusivement à l’enseignement dans une petite région défavorisée d’Argentine. Mais le décor se révèle hostile et les élèves peu motivés. Un soir, elle est violemment agressée par une bande de jeunes parmi lesquels elle reconnaîtra vite certains de ses élèves. Pour ne rien arranger, elle se découvre enceinte quelque temps après. Doit-elle garder cet enfant issu d’un viol ou opter pour un avortement ? Le choix de Paulina va susciter l’incompréhension de son entourage…

El Estudiante (2013), le premier long métrage de ce jeune cinéaste, s’intéressait à un homme qui découvrait la politique par hasard. Issu lui-même d’une famille de hauts fonctionnaires d’État, Santiago Mitre nous fait pénétrer avec Paulina au cœur du milieu bourgeois argentin. Une longue séquence de dispute père-fille au dialogue vigoureux ouvre le film. C’est sec, précis, rythmé. Chacun restera sur ses positions. Pragmatique, il ne peut admettre qu’elle renonce à l’avenir prometteur qui l’attend. Pétrie de convictions sociales, elle veut se rendre utile envers les plus défavorisés. Deux visions de la justice vont s’affronter, à travers l’un et l’autre de ces personnages. Le viol qu’elle va subir en marquera le sommet. La phrase qui résume le plus le film est celle que Paulina jette à la tête de son père : « La justice ne cherche pas la vérité quand des pauvres sont suspectés. Elle cherche des coupables » ;

ce père sûr des lois qu’il représente n’imagine pas devoir les faire évoluer. Dans ce pays où les mentalités changent lentement, l’homme reste encore et toujours celui qui décide de tout, de la marche du pays comme de la vie des femmes. C’est bien de ce joug dont Paulina veut se libérer. D’ailleurs, pas plus qu’elle n’écoute son père, elle n’écoutera son fiancé qui rêve de vengeance. Doucement mais efficacement, la caméra suit pas à pas le parcours de cette jeune idéaliste écartelée entre ses convictions et l’ordre établi. L’excellente Dolores Fonzi campe une Paulina inébranlable et impassible malgré ce qu’elle a subi, jetant habilement un trouble sur nos propres capacités à défendre l’indéfendable. Mais finalement que cherche-t-elle ? Juste à s’opposer à son père pour affirmer son statut de femme libre ? Est-elle vraiment cette idéaliste jusqu’au-boutiste que l’on pressent ? Le réalisateur n’a nullement l'intention de nous permettre de la comprendre. Il s’attache à nous présenter, sans états d’âme ni détours, le portrait complexe d’une femme qui, à la croisée des chemins de sa vie, ne semble pas décider à dévier de la route qu’elle s’est tracée pour cause d’incident majeur. Malgré le caractère difficilement tenable de sa situation, sa force de caractère suscite l’admiration. On se laisse volontiers entraîner dans ce film féministe et ambitieux à l’aspect documentaire qui parle de violence et de pauvreté mais aussi de liberté et d’espoir de jours plus justes.

Claudine Levanneur

En collaboration avec le site aVoir-aLire

 

 



 

 


1h43 - Argentine - Scénario : Santiago MITRE, Mariano LLINAS - Interprétation : Dolores FONZI, Oscar MARTINZ, Eteban LAMOTHE.

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