L'Homme irrationnel
Irrational Man
de Woody Allen
Sélection officielle
Hors Compétition



Sortie en salle : 14 octobre 2015




Le sens de la vie

Abel Lucas (Joachin Phoenix) est un professeur de philosophie ravagé sur le plan affectif. Arrivé à l'université d'une petite ville, il entame une liaison avec Rita Richards (Parker Posey), une collègue en manque de compagnie. En même temps, il se lie avec Jill (Emma Stone), sa plus brillante étudiante, amoureuse et admirative, et qui devient sa maîtresse. Tandis que les troubles psychologiques d'Abe s'intensifient, une conversation entendue à l'occasion d'une sortie au restaurant vient bousculer le destin des personnages... Après le brillant Magic in the Moonlight, dans lequel il dirigeait pour la première fois la délicieuse Emma Stone, Woody Allen se montre à nouveau virtuose avec la présente livraison, qui débute comme une comédie romantique avant de dévier vers la comédie policière puis le drame criminel. Allen a souvent interprété lui-même l'intellectuel tourmenté, passionné de culture européenne, et aux prises avec de douloureuses questions existentielles dans son rapport avec les femmes, l'art, la politique et bien d'autres domaines. Il trouve en Joachin Phoenix un alter ego de choix et l'acteur donne d'ailleurs une autre facette de son talent, après avoir excellé dans des films aussi divers que Two Lovers ou The Immigrant. Désespéré par les souffrances et la laideur du monde, frustré de n'avoir jamais rien accompli de véritablement marquant, Abe va trouver le moyen de donner un sens à son existence, tout en retrouvant le goût de vivre.

Depuis Guerre et amour, Allen a souvent intégré une dimension philosophique dans ses films, moins pour proposer des idées novatrices que pour se référer à des auteurs qui l'ont marqué, de Nietzsche à Kierkegaard. Les réflexions et agissements du professeur Lucas sont ici dans la continuité de toute une galerie de personnages de son œuvre. Et la tonalité sombre qui imprègne certains dialogues permet à Allen de montrer une fois de plus son admiration pour Bergman. En même temps, L'Homme irrationnel est, on s'en doutait, très drôle, et l'Allen's touch est intacte : les scènes au cours desquelles Rita tente de séduire Abel sont irrésistibles et l'on retrouve par instants l'alchimie qui réunissait le couple que l'acteur et réalisateur formait avec Diane Keaton ou Mia Farrow. On est au final en terrain connu et on ne s'en lasse pas : ce n'est pas la première fois que l'auteur combine des éléments de comédie et de tragédie. De Crimes et délits à Vicky Cristina Barcelona, les deux genres ont souvent été imbriqués avec bonheur, Un homme irrationnel prolongeant la même osmose. La scène de l'ascenseur (que l'on ne décrira pas par hantise du spoiler) porte à la perfection cette dualité dans le cinéma de Allen, qui effectue ici une synthèse de son univers. Les blasés et grincheux objecteront que le cinéaste ne se renouvelle pas et joue la même partition depuis des décennies. Ils sont passés à côté d'une œuvre majeure d'un réalisateur dont l'inspiration ne fléchit pas avec l'âge.

Gérard Crespo

 



 

 


1h36 - États-Unis - Scénario : Woody ALLEN - Interprétation : Joaquin PHOENIX, Emma STONE, Parker POSEY, Jamie BLACKLEY, Ben ROSENFIELD.

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