P'tit Quinquin
de Bruno Dumont
Quinzaine des Réalisateurs
Séance spéciale


Diffusion sur Arte : 18 et 25 septembre 2014




« Le mal de la télévision, ce n'est pas dans la télévision qu'il est, c'est dans le monde. »

Bruno Dumont, porte-drapeau de la paternité européenne, capable de diviser avec sa vision du monde à la fois personnelle et intrusive, arrive à la télévision. La curiosité est grande, sans aucun doute. Tout d’abord, P’tit Quinquin surprend par le changement de registre qu’effectue Dumont et qui l’oblige à réexplorer sa propre thématique. L’histoire se déroule dans un petit village du nord de la France. Dans le premier épisode, une vache est retrouvée morte dans un ancien bunker de la Seconde Guerre mondiale. Dans le corps de cette vache, des restes humains, en particulier ceux d’une femme dont la tête sera retrouvée peu de temps après. Si les premières images ne sont pas sans rappeler de nombreux cauchemars que la télévision nous a apportés (Twin Peaks en tête), Dumont tourne immédiatement son histoire vers un ton beaucoup plus grotesque. Avec sa galerie de personnages loufoques et son goût pour la comédie très noire, Dumont est une nouvelle fois dans la prise de conscience humaine.

Tous les grands thèmes de Dumont (l’anarchisme, la réflexion sur l’homme, la banalité du mal spectral, le racisme latent, la violence communicative entre les protagonistes…) ont basculé vers une verve comique et furieuse qui appelle à une réflexion bien plus approfondie.

 

Les personnages sont nombreux, mais, fondamentalement, nous nous concentrons sur le capitaine étrange et maladroit de la gendarmerie locale et le petit Quinquin, fils d’un agriculteur et leader d’un groupe de garçons, qui commence une enquête privée après le premier meurtre.

L’une des figures récurrentes de la série est une voiture de gendarmerie qui tourne sur elle-même avant de commencer son parcours. Dumont en fait une métaphore philosophique et esthétique du monde : il est au ralenti et pourchasse la dispersion totale des actions et des signes d’un collage très détaillé des petits moments du quotidien.

Au-delà de sa conception habituelle et programmatique, quelques rares moments de tendresse s’immiscent dans la série. Quinquin, sa petite amie Eve et surtout sa sœur (une chanteuse en herbe un peu déprimée) sont souvent filmés en gros plans, ouvrant un monde quasi-inconnu pour Dumont, touchant la poésie d’un Pasolini. La beauté est toujours souillée par le mal (un des nombreux personnages connaîtra une fin terrible) mais résiste et reste au sein de ces précieux clichés. C’est dans « l’enfer de la télévision » que Bruno Dumont trouve des points de fuite inattendus.

Thomas Piras

 

 


3h20 - France - Scénario : Bruno DUMONT - Interprétation : Alane DELHAYE, Lucy CARON, Bernard PRUVOST.

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