Geronimo
de Tony Gatlif
Sélection officielle
Séance spéciale



Sortie en salle : 15 octobre 2014




Le marié était en noir

Premier plan : une mariée s'enfuit en courant ; un travelling la montre retrouver un jeune homme de qui elle est visiblement très éprise. À la séquence suivante, Geronimo, une jeune éducatrice (Céline Sallette), apostrophe un groupe de jeunes dont elle a la charge. Sévère mais charismatique, grande gueule mais bienveillante, elle les réprimande sèchement pour le vol manifeste de matériel informatique tout en leur proposant une virée à la plage. Geronimo force le respect mais aussi la crainte et l'agacement, aussi bien dans la communauté gitane que dans celle composée d'immigrés turcs... C'est alors que la jeune femme remarque une affiche signalant la disparition de Nil Terzo, une adolescente qui n'est autre que la jeune mariée. Celle-ci s'est cachée pour échapper à un mariage forcé. Sa famille turque est à sa recherche, et bien décidée à la tuer, tout en se vengeant de Lucky Molina, son amant... Geronimo va alors tout tenter pour calmer les tensions dans le quartier Saint-Pierre et arrêter la folie qui embrase les deux communautés rivales. D'aucuns ont reproché à Tony Gatlif l'hystérie de certains de ses personnages, ainsi qu'un montage privilégiant l'esbroufe de la multiplicité des plans. Ce sont les mêmes griefs qui avaient visé Emir Kusturica, autre cinéaste spécialiste de la culture gitane... Le film de Gatlif n'est certes pas sans défaut, mais là n'est pas à notre avis le problème fondamental.

Sans doute le caractère manichéen du scénario de cette synthèse de Roméo et Juliette et West Side Story est-il l'élément faible, davantage que la mise en scène plutôt bien rythmée et enlevée, bien que sans originalité flagrante.

Et l'on a du mal à croire en cette figure de madone du social, prête à tout pour maintenir la paix et la cohésion sociales dans ce microcosme en déliquescence. À titre de comparaison, la vision proposée par Mange tes morts, à l'argument assez proche, s'avérait beaucoup convaincante. Et pourtant, on se laisse toujours prendre pas le charme sensuel du cinéma de Tony Gatlif, sa musique et ses chorégraphies enivrantes, de même que l'on reste touché par cet humanisme que le réalisateur ne cesse de réitérer, d'Exils à Transylvania. Il y a aussi dans Geronimo une tonailité policière nouvelle dans le cinéma de Gatlif, et un sens de l'épique et de la tragédie qui n'est pas sans évoquer le cadre de certains westerns, d'autant plus que le cinéaste utilise avec intelligence le décor naturel d'un Sud étouffant sous sa canicule estivale, loin de l'imagerie touristique idéalisée. L'œuvre confirme en outre le talent éblouissant de Céline Sallette, révélée dans L'Apollonide (Souvenirs de la maison close), et qui crève littéralement l'écran. Au final, le film, projeté en séance spéciale du Festival pour un public de lycéens, mérite bien plus que l'accueil critique un peu tiède qu'il avait reçu.

Gérard Crespo

 

 


1h44 - France - Scénario : Tony GATLIF - Interprétation : Céline SALLETTE, Rachid YOUCEF, David MURGIA, Sergi LOPEZ, Nailia HARZOUNE, Vincent HENEINE, Aksel USTUN, Tim SEYFI.

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