Le Géant égoïste
The Selfish Giant
de Clio Barnard
Quinzaine des réalisateurs
Label Europa Cinémas


Sortie en salle : 18 décembre 2013




On achève bien les chevaux

Arbor, treize ans, et son meilleur ami Swifty habitent un quartier populaire de Bradford, au Nord de l’Angleterre. Renvoyés de l’école, les deux adolescents rencontrent Kitten, un ferrailleur du coin. Ils commencent à travailler pour lui, collectant toutes sortes de métaux usagés. Kitten organise de temps à autre des courses de chevaux clandestines. Swifty éprouve une grande tendresse pour les chevaux et a un véritable don pour les diriger, ce qui n’échappe pas au ferrailleur. Arbor, en guerre contre la terre entière, se dispute les faveurs de Kitten, en lui rapportant toujours plus de métaux, au risque de se mettre en danger. L’amitié des deux garçons saura-t-elle résister au Géant Egoïste ?

Plus qu'à Oscar Wilde, auquel le film emprunte le titre d'une courte nouvelle, Le Géant egoïste est dans la lignée de l'univers anglais de Dickens pour la narration réaliste de l'enfance meurtrie dans un contexte d'exclusion sociale. Mais on songe surtout à la veine du cinéma britannique incarnée par Ken Loach, celui des œuvres âpres et épurées, sans une once d'humour : Arbor (incarné par le jeune Conner Chapman qui crève l'écran), pourrait être le petit frère du Billy de Kes ou du Martin Compston de Sweet Sixteen.

Mal intégré dans sa famille, rejeté par l'institution scolaire et méprisé par ses pairs, il veut redonner du sens à son existence et celle de son pote en empruntant une voie qui apparaît très vite comme une impasse, avant même que l'enchaînement des situations dramatiques ne se déclenche. Venue du cinéma expérimental, la réalisatrice Clio Barnard s'inscrit dans un courant majeur auquel on peut aussi rattacher sa compatriote Andrea Arnold (Fish Tank). Elle s'impose pourtant par un style bien à elle, le naturalisme oppressant des décors et des situations, dépouillé à l'extrême, étant combiné à des recherches formelles inédites, avec des séquences qui donnent au récit une tonalité étrange, entre le cauchemar du parcours initiatique et la tentation d'un (faux) onirisme. Loin du tire-larmes dénonciateur sur la condition humaine, Le Géant égoïste est un chef-d'œuvre d'écriture filmique, un pavé dans la mare du cinéma consensuel et bien-pensant, qui rebutera certains mais s'impose d'emblée comme une des grandes réussites de ces dernières années. Comme Rêves d'or, présenté en 2013 dans la section Un Certain Regard, il offre une vision inspirée et noire de l'adolescence, loin de l'univers aseptisé des teen movies, tout en révélant un metteur en scène de premier plan.

Gérard Crespo


 

 


1h33 - Royaume-Uni - Scénario : Clio BARNARD - Interprétation : Sean GILDER, Siobhan FINNERAN, Steve EVETS, Connar CHAPMAN, Shaun THOMAS, Lorraine ASHBOURNE, Ian BURFIELD, Ralph INESON, Elliott TITTENSOR.

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