Holy motors
de Leos Carax
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 4 juillet 2012


« Sacré Oscar ! »

Treize ans… treize ans que Leos Carax n'avait pas monté les marches du Palais des Festivals. Se remettant alors difficilement du gouffre financier des Amants du Pont Neuf (1991), le réalisateur prometteur de Boy meets girls remuait alors la Croisette de 1999 avec Pola X, suscitant autant d'enthousiasme pour une œuvre novatrice et poétique que de rage contre un pétard mouillé ; beaucoup de sièges ont alors claqué cette année-là.

Autant dire que Leos Carax était attendu avec l'espoir de voir son talent récompensé ou la crainte du "ratage"...

Dans Holy Motors, Monsieur Oscar (Denis Lavant, acteur fétiche du réalisateur) voyage de vie en vie lors d'une journée de "rendez-vous" ; incarnant successivement un homme d'affaires, une mendiante bancale, un danseur pour animation d'images de synthèse, un monstre locataire du Père Lachaise, un père de famille ou un truand... Accompagnée par sa secrétaire-chauffeur (Edith Scob, superbe) qui lui prépare ses "dossiers" dans sa limousine à rallonge transformée en loge d'artiste, il se métamorphose au gré de ses rôles...

Oscar, c'est bien sûr Leos... (dont le vrai nom est Alexandre Oscar Dupont de Nemours).

On se prend à rêver que le réalisateur talentueux de Mauvais sang fasse un "vrai film" pour rendre hommage au 7e Art plutôt que cette indigeste allégorie chargée par une telle pléthore de symboles et clins d'œil, que les plus fins sont vite étouffés par les plus lourds.

De l'auto-citation (le personnage Monsieur Merde apparaissant dans Tokyo !; les vues sur le Pont-Neuf, l'œil blanc…) aux références cinéphiliques (d'Étienne Jules Marey à Cars en passant par Franju et James Bond), la poésie indéniable de certaines séquences finit par s'engluer. La magie est dans le regard et non dans la vie, les écrans deviennent si petits qu'ils n'atteignent plus la taille de nos visages, l'art est plus réel que la vie... Dans le meilleur des cas, on retrouve des propos chers à Godard ou Debray sur le rapport entre la réalité et sa représentation... Dans le pire, un embrouillamini pseudo-philosophique fumeux et un peu prétentieux...

Le dispositif est pourtant astucieux et permet à Carax quelques malices, dont un dérapage du personnage au Fouquet's (il y a quelqu'un qui m'a dit que Carax a été le compagnon de Carla Bruni...). Malheureusement, ce procédé exclut de fait toute vraie émotion qui proviendrait des personnages. La scène entre le vieil homme mourant et sa nièce lasse très vite, lestée d'emblée du poids de son contexte.

Il reste les plans… magnifiques comme ceux qui nous font trébucher sur les mannequins déboîtés gisant sur les étages de la feue Samaritaine.

Comme tout OFMI (Objet Filmique Mal Identifié), Holy Motors pourra profiter d'une ouverture aux interprétations diverses et contradictoires ; c'est un bon signe pour prouver, s'il était besoin, que le cinéma ne tombera jamais dans le formatage.

Jean Gouny

 

 

 


1h50 - France - Scénario : Léos CARAX - Interprétation : Denis LAVANT, Eva MENDES, Edith SCOB, Michel PICCOLI, Jean-François BALMER.

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