Psychose
Psycho
de Alfred Hitchcock
Sélection officielle
Cannes Classics



Sortie en salle : 2 novembre 1960




5 bonnes raisons de voir, revoir et idôlatrer ce film culte présenté cette année dans une version restaurée et mastérisée dans la section Cannes Classics...

1 Si vous avez manqué le début...

Psychose est de ces films dont il est un crime de dévoiler le scénario à qui ne l'a pas vu. Ce n'est pas par seule stratégie publicitaire que le « maître du suspense » avait donné pour consigne aux exploitants de refuser tout spectateur en retard. On pourra juste présenter ce synopsis officiel :

« Marion Crane en a assez de ne pouvoir mener sa vie comme elle l'entend. Son travail ne la passionne plus, son amant ne peut l'épouser car il doit verser une énorme pension alimentaire le laissant sans le sou... Mais un beau jour, son patron lui demande de déposer 40 000 dollars à la banque. La tentation est trop grande, et Marion s'enfuit avec l'argent. Très vite la panique commence à se faire sentir. Partagée entre l'angoisse de se faire prendre et l'excitation de mener une nouvelle vie, Marion roule vers une destination qui lui semble plus longue que prévue... ».

En dévoiler davantage s'avère déplacé, et toute affiche, jaquette de DVD, photo ou bande-annonce montrant une salle de bain ou un ustensile de cuisine seraient malvenus...

2 Un modèle de construction narrative

Comme le confie Hitchcock à François Truffaut dans le livre d'entretiens Hitchcock/Truffaut, le roman initial est très moyen, et preuve en est que le septième art peut être davantage qu'une adaptation illustrative. Deux parties distinctes sont imbriquées dans Psychose et un faux suspense, au cœur d'une intrigue policière qui sera une fausse piste, manipule le spectateur dès la fuite de Marion en voiture. Le tour de force de Hitchcock est d'abandonner cette trame criminelle, le personnage féminin que la caméra ne quitte pas lors d'une cavale stressante apparaissant rétrospectivement comme une figure importante mais secondaire du récit. Et c'est alors qu'une seconde histoire débute...

3 La symbolique de l'eau, du noir et blanc, et des sons

La partition musicale à stridences de Bernard Herrmann, véritable symphonie de la montée vers l'horreur, accompagne le récit dès le générique recherché du graphiste Saul Bass : des barres verticales mêlent le nom des artistes et techniciens du générique ; cette verticalité se retrouve ensuite quand les trombes d'eau s'abattent sur la voiture de Marion, lui brouillant la vue, premier avertissement du danger qui la guette. Enfin, lorsqu'une douche relaxante semble la purifier des tentations malhonnêtes de son périlleux week-end, la verticalité de l'eau annonce ici le pire. C'est cette montée progressive vers le malheur irréversible qui berce l'univers pessimiste et froid de Psychose : un adultère, un vol, un meurtre, deux meurtres, la découverte de la folie horrifique... Et les signes de cette dérive vers la noirceur totale font indice au niveau vestimentaire : les sous-vêtements que porte Marion dans la chambre du premier hôtel sont blancs ; alors que Norman Bates, par le trou d'un mur, verra se déshabiller une jeune femme vêtue de noir...

4 L'apogée de la psychanalyse dans le cinéma hollywoodien

Depuis  La Maison du docteur Edwards  (Alfred Hitchcock, 1945) et Le Secret derrière la porte  (Fritz Lang, 1948), les théories de Freud ont inspiré, pour le meilleur et pour le pire, le cinéma hollywoodien. Quand les médiocres suites de Psychose insisteront lourdement sur les troubles de l'inconscient dans la motivation du criminel, Hitchcock n'utilise la psychanalyse que pour dénouer une action, comme il le fera quatre ans plus tard dans Pas de printemps pour Marnie. Si l'explication d'un médecin dans la séquence finale est explicite, Hitchcock préfère parsemer son récit de signes et symboles. Marion Crane est une jeune femme équilibrée, que les soucis sentimentaux et financiers risquent de faire sombrer dans la névrose et qui ne résiste pas à un acte de vol impulsif pouvant changer sa vie. Norman Bates est confronté à la folie supposée de sa vieille mère : Mme Bates est ici l'aboutissement d'une série de mères abusives ou femmes possessives au centre et en périphérie des récits hitchcockiens : Mrs Danvers dans Rebecca (1940), Mme Sebastian dans Les Enchaînés (1946), Clara Tornhill dans La Mort aux trousses (1959), Lydia Brenner dans Les Oiseaux (1963). Quant au dédoublement de personnalité de Norman, il fait écho au thème implicite de la gémellité dans L'Inconnu du Nord Express (1951), Le Faux Coupable, (1958), Vertigo (1958) ou La Mort aux trousses. Film des frustrations sexuelles et des pires transgressions (un meurtre substitut de viol), Psychose est symptomatique du cinéma de la folie.

5 Un casting de légende

N'importe quel producteur, confiait Hitchcock, aurait donné le rôle de Marion Crane à Vera Miles et celui de la sœur qui enquête, Lila, à Janet Leigh. Hitchcock préféra l'inverse car si le temps de présence maximal à l'écran est en général réservé à une star, le cinéaste innova par un coup de théâtre traumatisant son public au bout d'une heure de film. Vouée aux rôles de jeune femme violentée (L'Appât, La Soif du mal), la belle Janet (alors épouse de Tony Curtis à la ville), devint définitivement une icône et tout cinéphile prenant sa douche dans un motel isolé a une pensée émue pour elle. Vera Miles est une actrice discrète, d'une élégance qui n'est pas sans évoquer Grace Kelly : ses déambulations dans la maison des Bates garantissent les moments de frissons les plus forts du film, et la sérénité de sa blondeur et de son allure contraste avec le caractère morbide de ce qu'elle découvrira. John Gavin est un peu plus fade, mais sa « normalité » lisse s'oppose à merveille à Anthony Perkins, qui trouve le rôle de sa vie avec ce personnage de jeune hôtelier timide et maladroit, dont les frustrations cachent les pires zones d'ombre...

Série B prestigieuse, premier véritable film d'horreur qui influença maints cinéastes, de Romero à Craven, de De Palma à Carpenter et Argento, Psychose est, avec Vertigo, le chef-d'œuvre de son auteur. On gardera longtemps en mémoire ce gros plan de visage inanimé, que scrute la caméra avant de s'attarder sur un journal contenant 40 000 dollars puis, au loin, un logement abritant un effroyable secret...

Gérard Crespo


1h49 - Etats-Unis - 1960 - Scénario : Joseph STEFANO, d'après le roman de Robert Bloch - Interprétation : Anthony PERKINS, Janet LEIGH, Vera MILES, John GAVIN, Martin BALSAM, John McINTIRE.

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