Everything Will Be Fine
Alting bliver godt igen
de Christoffer Boe
Quinzaine des réalisateurs






« Vous me cachez quelque chose »

Ceux qui ont aimé Reconstruction (présenté en 2003 à la Semaine de la critique) apprécieront cette déconstruction implacable que Christopher Boe présente fort justement comme un thriller mélodramatique et qui est à prendre comme tel.

Sensations fortes pour le thriller, dont l’accompagnement musical de Sylvain Chauveau vient souligner l’invraisemblance de l’intrigue et des situations, la violence de nombre d’épisodes, l’outrance des personnages et du ton, soit les trois éléments caractéristiques du mélodrame.

Au registre des obsessions, le réalisateur met son titre à la puissance 3 : tout va « bien » se passer pour Jacob aux prises avec une commande scénaristique urgente, pour Ali confronté au péril de sa mission secret-défense, pour Helena et son rêve d’adoption à nouveau englouti.

Pour cette dernière, on devine en effet qu’une précédente tentative a dû échouer. Mais cette fois-ci Jacob, bien que perméable à l’anxiété de sa femme, la tranquillise.

Jacob Falk est scénariste et réalisateur, âprement pressé par son producteur d’écrire le script d’une histoire dont, pas de panique, il a l’amorce : un traducteur parlant l’arabe est recruté par l’armée pour une mission en Moyen-Orient, vraisemblablement en Irak. Ali donc fait ses adieux à sa fiancée – laquelle, en plus jeune, ressemble fortement à Helena – et la rassure.

Alors qu’il rejoint son domicile dans la campagne danoise, Jacob heurte violemment un homme – en tout point identique à son héros – qui lui intime l’ordre de récupérer son sac de voyage, avant que Jacob ne parte donner l’alerte, ce qu’il fait anonymement.


Dernières formalités d’adoption obligent, Jacob et Helena partent à Copenhague et prennent un hôtel pour la nuit. Jacob ouvre alors un petit paquet trouvé dans le sac et qui renferme des photos de personnes aux visages grièvement amochés et visiblement torturés.

Sur l’itinéraire de Jacob ainsi amorcé, vont se greffer régulièrement des flashes-back mettant en présence Ali, le premier d’entre eux – ou plutôt le second – le situant à l’aéroport en partance d’Irak dans une scène à la Midnight Express, où il se scotche sur le corps un petit paquet plat.

À ce stade-là, l’angoisse a déjà largement remplacé le simple stress initial chez Jacob, conscient qu’il détient une bombe dans les mains. Dans une ascension vertigineuse, elle va tourner à la panique et la paranoïa autour de l’élaboration d’une théorie du complot, propice à moult dommages collatéraux. À ce stade-là aussi, il convient de laisser le spectateur savourer la suite d’un scénario captivant, apprécier le savoir-faire de son auteur en matière de mise en scène, louer la beauté des effets visuels, la surexposition et la saturation des images, l’architecture de la lumière et des ténèbres, vanter les vertus d’une caméra qui, au bon moment, fait tilt au sens british du terme.

Autour des personnages secondaires, déroutés pour certains par l’agressivité de Jacob, confortés pour les plus proches dans l’idée qu’il s’est une fois encore égaré dans une de ses propres histoires, notre agité du bocal – que Jens Albinus emmène avec talent aux frontières de la folie – ira jusqu’au bout pour défendre sa conviction envers et contre tout : toute chose a un sens et recèle une vérité qu’il est impérieux de trouver. « No reason », lui opposerait Dupieux.

Marie-Jo Astic


1h30 - Danemark, Suède, France - Scénario : Christoffer BOE - Interprétation : Paprika STEEN, Jens ALBINUS, Marijana JANKOVIC.

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